Forum Grand Corps Malade et slam

Je voulais le prendre à ma médiathèque, mais quelqu'un a été plus rapide que moi

perso j'ai une voiture et un scooter Coréen c'est un bon début

Bonsoir cette semaine dans le train ma lecture était Civilizations de Laurent Binet


Il s'agit d'une uchronie. Laurent Binet réécrit l'histoire en inversant la découverte du Nouveau Monde.
Ce ne sont pas les Européens qui colonisent le  Nouveau Monde mais les Incas. Le Nouveau Monde étant alors l'Europe.

C'est très plaisant à lire, le style est fluide et agréable. Le principe narrateur est celui d'un chroniqueur qui retrace les faits qui ont mis en place l'Empire inca en Europe. Comme toujours vu que c'est le vainqueur qui écrit l'histoire il y a un côté partisan. Or le texte se veut factuel. C'est là pour moi une source d'imitation. Cela rend le texte improbable. Pour avoir lu de nombreuses chroniques je n'en ai jamais vu qui se positionnait de façon aussi factuelle. Et donc pour moi, ça sonne un peut faux. Mais ce n'est pas gênant. Après tout c'est un roman.
Ce que j'ai beaucoup moins apprécié c'est le côté donneur de leçon. On a parfois l'impression d'assister à un procès à charge contre les Européens. Et en même temps il y a une forme de dénigrement des peuples américains.
On sait qu'une des raisons qui a permis la conquête rapide de l'Amérique latine est  la maitrise de la forge. Pour inverser la valeur l'auteur s'arrange pour que les incas aient grande maitrise du fer et des armes qui en découlent. Et l'astuce pour y arriver est faire en sorte que ce soit des Européens (viking) qui leur auraient transmise. Comme si les peuples hors de l'Europe n'auraient pas pu le découvrir seuls.
Ensuite l'histoire nous apprend que c'est Christophe Colomb qui traversa le premier l'Atlantique. Là encore pour que les Incas envahissent l'Europe il faut trouver une solution. Et là encore ce sont les Européens qui sont les premiers à faire la traverser les Incas ne faisant que suivre.
Ce sont toujours les Européens qui amènent le fusil le canon aux Incas, etc.
Bref les Incas sont des guerriers vivant dans une société particulièrement bien gérée mais ce sont les Européens qui ont tout fait, tout inventé. Le héros est un pauvre fuyard qui a beaucoup de chance en arrivant au Portugal puis en Espagne.
Tous les artistes cités dans le texte sont des Européens, comment se fait-il alors que nombres d'inca débarquent régulièrement en Europe, pas un seul ne soit un artiste un architecte de renon ?

À l'opposé la critique de l'organisation sociale de l'Europe à cette époque est sévère. Voire même parfois caricaturale.

Voilà si j'en reste à l'histoire racontée dans ce roman c'est agréable, c'est bien fait, c'est simple et clair.
Sur le style j'aurais aimé que le type de natation soit plus crédible. Et j'aurais aussi que le niveau de langage soit mieux exploité. Il y a quelques passages avec un langage très sophistiqué correspondant au locuteur. Ce n'est pas toujours le cas et c'est dommage cela aurait rendu le texte plus vrai.
Sur le fond je suis plutôt déçu. L'idée est très bonne mais la façon de la mettre en oeuvre relève trop d'une bonne volonté fortement freinée par manque d'ouverture d'esprit.

A+JYT

Dernière modification par sekaijin (15-02-2020 20:14:08)

Aurélien Barrau

Le plus grand défi de l'histoire de l'humanité

Résumé :

"La vie, sur Terre, est en train de mourir. L'ampleur du désastre est à la démesure de notre responsabilité. L'ignorer est aussi insensé que suicidaire.

Plus qu'une transition, je pense qu'il faut une révolution, et c'est presque une bonne nouvelle.

Ce livre fait suite à l'appel signé par 200 personnalités, que l'actrice Juliette Binoche avons lancé dans le journal Le Monde du 3 septembre 2018."

les phrases paressent,  les mots sentinelles,  et les lecteurs un pur bonheur

" Ils ont saccagé les ténèbres et coupé la nuit au couteau de leurs lumières. Ils ont enfoncé leurs pieds dans la terre gorgée de pluie et de neige fondue : hommes chiens et machines, sortis du néant pour déplacer les ombres des arbres et fendre le silence."

Wajdi Mouawad Anima (chez Babel, encore un livre de chez eux qui ne me déçoit pas)

Livre très curieux, la plus grosse partie de l'histoire est racontée par les animaux que rencontre successivement l'humain dont il est question, un chat, une araignée, un loup, un lapin un papillon, un chien, roman sur la bestialité, l'humanité, le mensonge des origines... Très bien écrit, mais des séquences difficiles.

Bonjour à tous, avec la bousculade de ces dernières semaines, je n'ai pas eu le temps de lire. Ni vous ni des livres. Et je viens de m'apercevoir que je n'ai pas parlé de ce que j'ai lu juste avant le confinement.
Là où chantent les écrevisses de Delia Owens.
Je vous ai parlé de Sea Island, non loin de Savannah en Georgie, à propos de sa culture et sa musique. Plus au nord en Caroline la cote offre un découpage encore plus caractéristique. De longues bandes (~ 400km) de terre/sable forment un chapelet d'iles qui s'étirent tout au long de la côte de Caroline du North. En retrait (parfois 100km) de cette barrière la côte est très découpée, formée par de très nombreux méandres de fleuves côtiers. C'est dans un de ces marais que se déroule l'intrigue de ce roman. Nous sommes en 1952, Kya, 10 ans, voit sa mère quitter la baraque qui leur sert de domicile. Ces frères et soeurs ont quitté ce milieu au père alcoolique et violent et Kya ne comprend pas qu'elle va se retrouver seule avec lui. La vie dans le marais et source de joies et de difficultés. Et la situation de Kya ne va pas s'améliorer. Rapidement elle va être livrée à elle-même dans ce qui est à la fois un enfer et un paradis.

Si j'ai parlé de Sea Island au tout début c'est que dès les premières lignes, j'entendais cette musique dans la tête.

"Là où chantent les écrevisses" est une expression pour dire que c'est tellement éloigné de tout que l'on peut crier tout ce que l'on veut personne ne peut entendre. On ne peut entendre que le chant des écrevisses.

Il y a plusieurs aspects à ce roman. Sur la vie dans le marais, l'approche de la flore et de la faune, c'est un vrai plaisir. J'ai senti revivre ces moments dans mon enfance que j'ai passés dans de tels endroits en Corse, Camargue, ou Aquitaine. La visite du marais de Barkley Cove est un plaisir comme un bon fruit juteux qui dégouline dans le cou lorsqu'on le croque.
Le personnage m'a parfois laissé perplexe. Elle est parfois un peu trop "superhéroïne" à mon goût. La construction du personnage manque parfois de cohérence. Mais il suffit de passer outre.
Enfin je pense que l'auteur a voulu confronter son héroïne des Marais à la vie de la société américaine et que c'est pour cela qu'une intrigue policière vient se greffer au roman. Et c'est bien un greffe. La bêtise d'un shérif d'un coin perdu de la Caroline était peut-être intéressante, mais la construction de l'intrigue et la caricature dessert le sujet. Je comprends le besoin, de mise en perspective de la vie dans la "civilisation" face à la vie du marais. Mais ce "mauvais polar" n'est, pour moi, pas le bien venu.

Reste donc Kya, personnage profondément vivant, auquel on s'attache, pour qui on tremble ou on s'émerveille.
Bienvenu dans l'Amérique profonde comme elle est rarement décrite.

A+JYT

J'adore ce titre...

Moi je revisite ma bibliothèque, je relis "Les gens" de Philippe Labro, avec son style inimitable et terriblement percutant.

Bonjour,

Petitesannonces.fr : Jeune homme de 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple.
Émile a décidé de fuir l’hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce.

Tout le bleu du ciel nous conte donc le dernier périple d'Émile sur les routes de France mais surtout dans la vie qui lui échappe. Mais c'est surtout la mystérieuse Joanne qui a répondu à sa petite annonce qui intrigue tout autant le lecteur que l'acteur. Toute de noir vêtue, Joanne est calme, douce, discrète, et silencieuse. Émile va devoir accepter d'oublier son passer, d'oublier son avenir, ça seule perspective reste l'instant présent avec une mystérieuse inconnue.

Au-delà de la simple narration, Melissa Da Costa nous interroge sur notre place dans la vie. Plus exactement sur la place que nous laissons à la vie dans notre propre histoire. N'oublions-nous pas de vivre en nous encombrant en permanence de notre passer et notre avenir ? Vivons nous là, ici et maintenant ? Ou, ne faisons-nous que subir le temps en cherchant en nous projeter dans un avenir qui n'existe pas, tout en nous remémorant un passé qui n'existe plus ?

A+JYT

Dernière modification par sekaijin (22-05-2020 20:32:50)

Sympa.

La conversation nous ramenait à notre marotte : les chemins noirs.
Il était difficile de faire de soi-même un monastère, mais une fois soulevée la trappe de la crypte intérieure, le séjour était fort vivable. Je me passionnais pour toutes les expériences humaines de repli. Les hommes qui se jetaient dans le monde avec l'intention de le changer me subjuguaient, certes, mais quelque chose me retenait: ils finissaient toujours par manifester une satisfaction d'eux mêmes. Ils faisaient des discours, ils bâtissaient des théories, ils entrainaient les foules : ils choisissaient les chemins de lumière.
Quitte à considérer la vie comme un escalier, je préférais les gardiens de phare qui raclaient les marches à pas lents pour regagner leurs tourelles aux danseuses de revue qui les descendaient dans des explosions de plumes afin de moissonner les exclamations.

Il y avait eu des milliers de manières de fuir le monde. Un homme du paléolithique avait dû initier le mouvement. Je l'imaginais se lever, quitter le halo du feu et disparaitre à jamais dans la savane, menacé et libre.

Sylvain Tesson les chemins noirs

à plus ou moins long terme, oui

est ce que tu participes à des sélections pour des prix ? Pourquoi clause de confidentialité ?

Pour une fois, je ne vais pas citer qu'un extrait

L'homme Nu, la dictature invisible du numérique De Marc Dugain et Christophe Labbé
Une enquêt fouillée et édifiante sur le danger des réseaux sociaux, et leur dictature. Si c'est gratuit, c'est vous qui êtes le produit.
Livre de fin 2015, (la situation n'a pas dû s'arranger depuis) où on nous rappelle par exemple que pendant la campagne de Obama de 2012, les commentaires laissés sur les réseaux sociaux ont permis de repérer les indécis, et de faire du porte à porte pour les convaincre.
Les algorithmes décident même de nos contacts en cherchant ceux qui seraient susceptibles d'avoir les mêmes idées que nous (le Edge Rank) "Avec un bémol: à force de ne discuter qu'avec des personnes qui nous ressemblent, le brassage des idées tourne à vide, les esprits de ferment, les opinions se figent, internet comme lieu de débats devient une illusion."
(ça, je crois que ça a changé, et ils ont mis l'accent sur les groupes, et c'est encore plus dommageable)
On découvre qu'en 2012, Facebook a utilisé à leur insu comme cobayes 700 000 internautes, qui ne l'ont su que 2 ans plus tard à la publication d'un article scientifique intitulé "Preuve expérimentale d'une contagion émotionnelle à travers les réseaux sociaux" Pendant une semaine Facebook a carrément trafiqué son fil d'actualité. "Trois groupes d'environ 200 000 personnes ont été exposés à des infos neutres, positives, ou négatives. En analysant leurs commentaires au cours de cette semaine, les algorithmes ont révélé que la tonalité des informations modifie l'état émotionnel et modifie les comportements. La preuve est faite que les big datas, via les réseaux sociaux, peuvent induire des états émotionnels durables dans une population".
Tout ce qu'on met sur internet, y compris nos mails, est analysé de multiples façons, pour nous proposer ce que nous aimons et nous conforter dans ce que nous pensons. Les big datas controlent aussi la presse choisissant de mettre en avant tel ou tel journal, plutôt qu'un autre.
Pire, le conseil d'état de 2014 disait "un internaute ne voit pas les même résultats de recherche qu'un autre, il ne voit pas les mêmes publicités, ni les mêmes articles sur un portail d'information, ne dispose pas des mêmes offres commerciales que son voisin. Cela pourrait poser de graves problèmes d'accès à l'information"
A ce sujet, je me souviens de Stoupig qui cherchait un billet de train en même temps que son mari sur leurs 2 ordis, il y a longtemps, et déjà elle avait moins cher à l'aller et lui moins cher au retour.
Si vous avez plusieurs ordis à la maison, c'est vrai que les résultats de recherches ne sont jamais pareils, tentez l'expérience, et ça doit être encore plus flagrant quand ce sont 2 personnes aux idées politiques différentes.
Enfin il y aurait beaucoup plus à dire, je ne vais pas recopier le livre, mais je vous le recommande.

Mais le souci, c'est que c'est nous qui fournissons les outils pour nous enchainer. Il suffit de couper internet, de lire des livres ou des journaux à la place (j'ai lu aussi que les big datas n'aiment pas les vrais livres, car sur écran, ils analysent même la vitesse de lecture, pour savoir ce qui plait ou fascine le lecteur, pour pouvoir lui proposer la même chose.
(Bon, discuter du danger des réseaux sociaux c'est mon dada, vous l'aurez compris )