Forum Grand Corps Malade et slam

Sur un marché aux poissons vénitien,
Au milieu des bars, dorades et églefins,
Un jour, un homard armoricain
Tomba amoureux d’un calamar italien.
Ce n’était pas qu’un simple béguin,
Une amourette sans lendemain,
Mais un amour vrai et cristallin.
S’inspirant de Casanova, en apprenti libertin,
Il se mit à débiter tout un baratin,
Inventant un périple au Mont Palatin,
Retraçant une visite d’un amphithéâtre romain,
Détaillant sa bataille contre un requin,
Contant sa fuite d’un restaurant de Pékin,
Et confessant même quelques larcins
Qu’il n’avait pas commis, le galopin,
Afin d’attirer l’attention de son voisin.
Mais il n’arrivait pas à ses fins.
Le Calamar lui demeurait sibyllin,
Et cela rendait le homard zinzin.
Le galant en devenait tout chafouin.
Pourtant, le lendemain,
Au hasard d’un nouvel arrivage marin,
Survint un magnifique saumon norvégien.
Ses écailles brillaient sous le soleil taquin,
On aurait dit un costume d’Arlequin.
Sous le charme de ce descendant d’Odin,
Le homard oublia le calamar plein de dédain
Et au cœur gorgé d’oursins.
Il dégaina ses plus beaux alexandrins,
Lustra son habit de crustacé européen,
Fit claquer ses pinces, le cabotin.
Gavé de fierté et beau comme un bon festin,
Il ne vit pas arriver d’en-haut la main
Qui le saisit sous le regard empli de rien
Du calamar vénitien et du saumon norvégien.