Forum Grand Corps Malade et slam

COMME EN 14 (Ecoute : lien direct Youtube)

Mon amour, je t’écris du front où, d’ici quelques heures,
J’en finirai avec ce monde que j’ai connu bien meilleur.
L’ordre a été donné de lancer l’assaut au petit jour,
Malgré nos appels à renoncer, l’état major est resté sourd.

Je ne sais pas où tu seras, juste avant de recevoir cette lettre,
Dans la cuisine, dans le salon ou le jardin peut-être.
Moi je serai loin mais tout près de toi, regarde bien…
J’essuierai doucement tes larmes, du revers de ma main.
Tu trouveras dans ce courrier les dernières lignes que j’écrirai,
Elles sont pour toi, ils nous ont conseillé d’écrire à ceux qu’on a aimé.

J’ai aimé nos moments, nos regards, nos instants,
Avec toi j’ai aimé vivre au présent,
Avec toi je n’ai connu que des printemps.
On ne vivra que l’absence
Mais chaque matin, je te jure
Je viendrai caresser ton âme, dans le clair obscur.

Adieu, ma douce, adieu ma belle,
Tu resteras mon hirondelle.
Je reviendrai souvent voler dans ton ciel,
Pour m’assurer que ta vie va,
Pour respirer près de toi.

La guerre n’est qu’une absurdité,
Il n’y avait que ça pour nous séparer.
Loin de toi, j’ai eu froid, j’ai eu peur,
J’ai vu un monde terne sans couleur,
J’ai vu monter au ciel des nuages de poussière,
Et tomber à terre des hommes qui étaient pour moi des frères.

On a essayé de convaincre le QG, mais rien n’y a fait.
A l’aube, à cent contre un, on jaillira de la tranchée.
Plus personne ne parle, les gorges sont trop serrées.
Chacun sait que, demain, il sera inutile de tirer.
On doit courir 300 mètres en terrain défriché,
Derrière les barbelés, les mitrailleuses adverses crépiteront sans relâche
Et c’est ici que je tomberai, il faut que tu le saches.

Je me souviens de ton rire, de ta jupe tournoyant dans le vent,
De tous ces soleils à deux au milieu des champs.
Je me souviens de t’avoir dit « je t’aime »,
Si tu savais combien ici ces mots : j’aime,
Et combien ils adoucissent ma peine, au milieu de cette morne plaine.

Adieu, ma douce, adieu ma belle,
Tu resteras mon hirondelle.
Je reviendrai souvent voler dans ton ciel,
Pour m’assurer que ta vie va,
Pour respirer près de toi.

Personne dans la compagnie ne pense à s’en sortir, chacun se prépare comme il peut.
Les gradés déambulent sans parler, visière baissée, la dignité emplit leurs yeux.
Aucun ordre n’est donné, l’aumônier passe pour bénir ceux qui se sont agenouillés.
Le silence est partout, on n’entend que le bruit des plumes sur le papier.
Je t’écris debout contre la terre humide de la tranchée,
Elle me rappelle que c’est face à elle que je finirai.
Une fois l’assaut lancé, il sera vain de reculer.
Les gradés ont reçu l’ordre de tirer sur ceux qui voudraient se replier.

J’étais né pour courir avec toi dans le vent,
J’ai adoré nos courses contre la montre et le temps.
J’aurais voulu voir ton sourire au pied des marches d’un autel pour nous unir.
J’aurais voulu te tenir dans mes bras pour la vie entière,
Et rêver mes nuits près de toi comme on rêve de repères.
Demain, je courrai vers l’ennemi en pensant à toi,
Je ne prendrai pas mon fusil, cette dernière course sera pour toi.

Un jour cette guerre finira,
Plus personne ne s’en souviendra.
Tu n’auras plus que cette lettre où l’encre de ma plume se vide
Je te la laisse pour que jamais les mots ne meurent et te guident..

Adieu, ma douce, adieu ma belle,
Tu resteras mon hirondelle.
Je reviendrai souvent voler dans ton ciel,
Pour m’assurer que ta vie va,
Pour respirer près de toi.

La prochaine vie sera la nôtre,
Il n’y aura ni guerre, ni apôtre.
Prends ton temps, je t’attendrai.
Sache que où j’irai, je continuerai à t’aimer.

Le soleil se lève. Dans un instant le signal va raisonner.
J’ai juste le temps de déposer un dernier baiser sur le papier.
Sache que je ne vais pas mourir, je vais juste m’envoler.
M’élancer à perdre haleine vers tes bras,
Courir pour gagner ma liberté de revenir vers toi.

J’ai aimé nos moments, nos regards, nos instants,
Avec toi j’ai aimé vivre au présent,
Avec toi je n’ai connu que des printemps.
On ne vivra que l’absence
Mais chaque matin, je te jure
Je viendrai caresser ton âme dans le clair obscur.

Petit Slammeur
(spéciale dédicace au texte du duo Nicole/ Tinorititi intitulé "Cher ami" ;-)

Dernière modification par petit slammeur (05-05-2013 22:04:36)