Forum Grand Corps Malade et slam

MES VOISINS

J’m’souviens du premier qu’j’ai connu dans le hall marbré
J’étais là à attendre pour emménager avec tous mes paquets
Pour m’souhaiter la bienvenue j’crois bien qu’il m’a appelée Trésor
J’ai pas franchement relevé, interloquée et impressionnée par le nouveau décor
Mais faut l’voir revenir en tenue de cycliste le dimanche soir,
Je vous laisse l’imaginer, en collant fluo, moitié Coffe, moitié Bigard…

J’avoue qu’j’ai trouvé une super solution pour me faire des amis dès mon arrivée,
Ben, facile, il suffit de faire appel à Darty pour mettre en route la machine à laver.
Et puis attendre un peu, que le joint pète et les arroser surtout quand ils sont partis
Ah oui, j’insiste pour le faire en leur absence, histoire que la moquette soit bien moisie.
Sinon c’est pas marrant, mais… c’est comme ça que j’ai connu Blandine, du 4ème.
Elle m’en a pas voulu, son relooking digne de Déco, elle s’l’est fait payé sans problème.

J’l’croise souvent à mon étage celui qui m’soupçonnait d’bosser à Intermarché
C’était pas lui, c’était sa femme qui lui avait dit qu’elle m’avait remarquée
Ah les rumeurs vont bon train… depuis, il croyait que j’avais déménagé
Il me voyait plus, à la retraite, il avait rien d’autre à faire qu’s’en inquiéter
Bah c’est vrai, j’ai changé d’horaires, plus vraiment ceux d’un fonctionnaire,
Avec un nouveau statut, plutôt ceux d’working girl que d’une secrétaire

J’regrette Jeanne et Juliette, ces mini tornades qui couraient dans mon couloir
Elles me manquent avec leurs petites bouilles roses et leurs longs cheveux noirs
bah ouais, moi j’ai pas de gosse, alors je profite seulement du sourire de ceux des chanceux
depuis qu’elles sont parties, c’est glauque à l’étage, n’entend plus que des toux d’cancéreux
C’était quand même sympa les rires et les courses des gamines le dimanche après-midi.
Même si, j’vous l’dis, y a certains week-end où j’aurais bien dormi…

J’vous ai pas encore parlé de la pochtronne qui entretient un mec plein de dettes ?
Coffe m’a raconté leur vie dans l’ascenseur, j’sais pas pourquoi, j’dois avoir une bonne tête
Il m’a même conseillé d’faire pareil, m’trouver un vieux riche, histoire d’être à l’abri
Vous l’aviez déjà compris, il est terrible, mais sur coup-là j’ai quand même bien ri
En plus d’avoir son mec plein d’dettes, la pochtronne, elle a aussi un grand fils
Ben y a fallu qu’elle me l’présente, « comme je l’aime, tu vois comme il est beau mon fils ».

J’ai la chance, aussi, tout comme vous, j’en suis sûre, d’avoir une voisine qui crie la nuit…
Vous saisissez de quoi je parle, elle crie de joie et pas toute seule, quand … elle jouit
Celle-là, je lui mettrais bien un taquet, question isolation, j’lui en tapisserais une belle couche.
Elle peut pas retenir un peu son bonheur, un peu de pudeur pour les « laisser sur la touche ».
J’abuse un peu, j’suis pas une sainte moi non plus, j’m’laisse parfois un peu aller.
Juste qu’la nuit, bah c’est vraiment chiant d’être réveillée par des cris d’amour déchaînés.

Je vous passe les détails sur la mamie qu’on a retrouvé inanimée devant sa porte
Allez, je vous raconte quand même, parce qu’au final, la pauvre,  elle est bien morte.
Je l’aimais bien, la petite dame au caniche blanc, mais elle avait l’air malade depuis qqs temps
J’lui ai même porté ses sacs un jour qu’l’ascenseur a décidé de nous laisser en plan
Alors ce jour-là, quand il a ouvert ses portes une dernière fois pour elle sur la civière
Ben, j’crois que j’ai compris qu’elle irait plus promener Sammy, la petite mémère…

Alors j’insiste pas sur tous les autres, les discrets, les gueulards ou les charmants
J’les entend parfois, s’quereller, s’aimer, s’féliciter, s’en aller s’promener ou au marché
Y en a bien qqs uns qui cassent des assiettes, je crois même avoir vu voler des fourchettes
J’les connais pas tous, pas le temps ou pas l’envie, et parfois je l’regrette
Eux non plus ne savent pas forcément qu’j’existe, qu’ils m’cotoient sans m’voir
Bah oui, j’aime bien rester dans mon cocon, protégée dans ma tour d’ivoire.