Vous n'êtes pas identifié.
La mort a mis sa plus belle robe ce soir, elle va au bal.
Belle ainsi vêtue de noir, lorsqu'elle se présente à la porte de la salle, les cœurs s'emballent.
Belle, c'est son prénom. Quelle ironie!
C'est son prénom et ce qu'elle est même si,
Aux yeux des invités, sa présence dérange,
Elle remonte le couloir, la démarche chaloupée, pour attirer ne serait ce qu'un regard sur son visage d'ange.
Mais chacun se méfie de ses charmes,
Personne ne semble lui faire confiance et malgré ses formes avantageuses vues comme une arme,
Sans méfiance,
Quelqu'un se dégage de l'assistance.
Un vieux petit bonhomme vouté au visage fermé et aux cheveux hirsutes.
Il avance vers elle et tout le monde s'attend à ce que Belle devienne la brute.
Crise cardiaque, cancer foudroyant ou rupture d’anévrisme ?
Les spéculations ne manquent pas. La tension est à son paroxysme.
Belle s'immobilise et chacun redoute le châtiment,
Ayant pris soin avant de venir de rédiger leur testament.
Mais qui est donc cet individu et pourquoi n'a t'il pas peur ?
Ce n’est pas possible, la Belle mort aurait-elle un cœur ?
Une chose est sûre, elle a peu d'amis et même si c'est la Belle qui apparait aux yeux des vivants,
Ils la regardent tous, comme toujours, de loin, méfiants.
Les spéculations fusent quand à l'identité du vieil homme.
Un âge avancé, pas plus haut que trois pommes.
Il ne semble pourtant pas s'inquiéter du sort qui le guette,
Quand tout le monde retient son souffle et que la mort s'arrête.
La vie n'ose même pas s'interposer. Le bonheur se cache les yeux.
Le malheur rigole déjà à gorge déployée alors que la chance fait un vœu.
Et le vieil homme fait face à la belle avec le sourire.
Celle-ci intriguée par tant d'audace ne sait que dire.
Des années qu'elle se présente à cette soirée et même si elle se targuait d'une auréole,
Personne n'avait jamais trouvé le courage de lui adresser la parole.
C'est ce qu'elle dit heureuse de pouvoir engager la conversation,
Et le vieil homme sourit puis répondit sans appréhension.
Vous savez dit-il en pointant du doigt la foule immobile,
Je les connais par cœur tout ces débiles.
Ils ont marché à mes côtés pendant longtemps,
Parfois par choix, souvent par dépit comme de vrais aimants.
Il y a le bonheur, il y a la chance, il y a le malheur et sa femme la méfiance, il y a le chagrin et ses petits chérubins, de gauche à droite, rancœur, tristesse et malin. Mais il y a aussi la liesse, et le partage, la détresse qui travaille dans la prise d’otage, la légèreté, le pardon qui pointe depuis un moment au chômage et les voir tous réunis ce soir causerait à n’importe quel sain d’esprit de sacrés dommages.
Ils ont fait sourire mes amis, pleurer mes âmes-sœur et vice-versa,
Ils ont agrémenté ma vie de réponse et de pourquoi.
Mais vous, vous que j'ai toujours fuit année après année,
Vous qui devez connaitre mes amis oubliés,
Vous, ce mystère, masqué sous cette magnifique apparence salutaire,
Synonyme de maladies, de pauvreté et de folie militaire,
Vous et cette lueur qui faiblit tout au fond de mon être,
Brule ce qu’il lui reste de vous connaitre.
C'est pourquoi, même si c'est le dernier, m’accorderiez-vous ce tango ?
J'ai déjà soudoyé l'orchestre et je me suis fait beau.
Sur mon 31, j’ai verni mes souliers.
Je suis près à ce que nous ne fassions qu'un, j'ai tellement de choses à vous demander.
Et l'homme lui pris les mains. Il l'entraina.
Il se laissa aller effleurant par moment cette peau, ce grain, du bout de ces doigts.
De mouvements saccadés en torrides étreintes,
Il pénétrait petit à petit, en elle, sans aucunes craintes.
L'inondant de questions, s'abreuvant de connaissance,
Il brisa les non-dits, que personnes n'entendit à cause de la distance.
La vie ferma les yeux pourtant le bonheur souriait.
Le malheur se sentait maladroitement heureux et la chance accablée.
Le vieil homme lui savourait ses derniers instants,
La musique ralentie accompagnée par le temps.
Une note profonde et grave diminua jusqu'Ã devenir inaudible.
Et tout le monde restait là à regarder ce tango irréversible.
Au final, personne ne semblait apeuré ou triste,
A part la mort, Belle, de nouveau seule au milieu de la piste.
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Ouah ! Une très belle façon de parler de la mort ! Arriver au bout de sa vie sans avoir rien à regretter pour passer dans une autre dimension !
Encore un très beau texte ! Bravo ! Très émouvant !
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bravo!! et"le pardon qui pointe au chomage", et "vous devez connaitre mes amis oubliés"
j'aime beaucoup
Mourir comme ça est un rêve
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MOI JAIMERAI BIEN CONNAITRE LE JOUR DE MA MORT!!
merci pour le texte
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Merci pour vos commentaires. Les vacances furent prolifiques. Désolé ITESS
Et oui, c'est souvent ce que je réponds quand on me demande si j'avais un souhait, ce serait de mourir sans regrets, le sens de la vie accomplie....utopie ???? Peut-être mais en tout cas, j'essaierais de vivre ma vie en ne perdant jamais ce souhait de vue.
Il y a d'ailleurs deux dictons que j'aime beaucoup qui l'illustre très bien:
"Mieux vaut des remords que des regrets." et "Pour chaque choix, il y a la bonne chose à faire, la mauvaise chose à faire et la pire chose à faire...ne rien faire."
Dernière modification par Ricow (06-09-2012 17:20:34)
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Salut Ricow
Comme Itess, je pense que le texte est un peu long, mais quand on s'y accroche, on se laisse porter pour suivre l'intrigue. Jolies images, subtiles et bien décrites, du bon, du très bon boulot. Oui, qu'elle belle approche de la mort, finir, comme et sur une note de musique qui peu à peu s'éteint pour s'en retourner dans le silence ... Bravo pour le thème et sa déclinaison!!
Un ami m'a un jour dit " "Mieux vaut des remords que des regrets." ... Perso je ne pense pas je vais rechercher un texte que j'avais écrit sur le sujet Peut être sera t' il sujet à débat ???
Merci
Vincent V
Très beau texte.... la mort fait partie de la vie n'est-ce pas !!!!
Bravo
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+1 avec les autres
"l'espoir vaincu, pleure et l'angoisse atroce,despotique, sur mon crâne incliné plante son drapeau noir" Baudelaire
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La dislexique aime !!! touchée !
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merci de partager ce beau message... "vivre à fond pour ne rien regretter... le moment où l'on doit partir..."
bravo pour le côté imaginatif de la scène que tu nous dessines... un tableau original!
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