Forum Grand Corps Malade et slam

C'est un regard croisé dans le métro.
Je sais qu'elle m'a vu mais je n'en fais pas trop.
Je sais qu'elle sait que je tente d'être discret,
Quand je pose mes yeux dans les siens avec l'air détaché.

Elle sourit et je baisse la tête de façon ridicule,
Genre "Oh tiens, ce matin j'ai mis un pull!".
Je parcours le wagon, tentant de fuir mais rien n'y fait,
Même si j'ai l'air d'un con, je finis toujours par replonger.

Elle est là, dans un instant figé mais éphémère,
Une ardoise magique prête à être secouée qui me rend amer.
Un grain de sable bloque le sablier du temps perdu,
Je suis un légume et elle, le fruit défendu.

J'ai envie de lui crier qu'elle me brise en apéricube,
Que pour reprendre mes esprits, il me faudrait une page de pub.
Mais elle n'en aurait rien à faire vu comment malicieuse,
Elle s'amuse à creuser jusqu'à mon cœur avec sa pelleteuse.

Si seulement je pouvais ne pas me transformer en statue de pierre,
Elle est la méduse qui me fige au centre de son univers.
Et mes yeux viennent, et mes yeux vont,
Il faudrait que je la retienne, mais j'ai l'air d'un con.

Le signal sonore retentit et je pense à descendre sur le quai.
L'imaginant faire pareil comme dans ces rencontres au ciné,
Ces rencontres magiques et sincères qu'on aimerait vivre au moins une fois,
Mais rien à faire, ma vie n'est pas le théâtre de ce genre de cinéma.

Pourtant j'y crois, je veux bouger, tenter ma chance,
J'ai dans ma tête de la musique mais manque encore les pas de danse,
Alors lassé de mes inactions et de ces occasions jamais saisies,
Je descends avant que les portes ne se referment ou que je change d'avis.

Je m'envole comme un papillon espérant qu'elle me pique comme une abeille,
J'espère qu'elle m'a vu faire et que dare-dare, elle a fait pareil.
J'espère que ces rails qui nous séparent vont nous offrir une symétrie parfaite,
Que nous serons là, face à face, en tête à tête.

Les métros s'éloignent l'un après l'autre. Je croise les doigts,
Je prie pour que le quai d'en face apparaisse et qu'elle soit là.
Mon ventre se noue, je suis livide et prêt à faire des bons,
Mais devant le quai vide, encore une fois, j'ai l'air d'un con.