Forum Grand Corps Malade et slam

Mardi 26 octobre – 20h57, le « taxi » arrive à la porte du chalet… Je sors le sac à dos. Assis sur un tapis volant, je scrute le paysage qui s’offre à mon regard.
Une seconde temporelle plus tard me voici au pied du vieil arbre solitaire de mes pensées.


     Mais où suis-je ? Terre inconnue, je contemple sur un tour d’horizon ce que donne ce paysage à voir. Des montagnes, un lac, de l’altitude, j’ai l’impression d’être encore dans mon antre familiale, là-haut dans mes rocheuses.

Mais je suis bien vers un ailleurs. Surprise ! Je ressens une autre forme d’apaisement, mon corps se relâche complètement. Ce billet, tombé du ciel, soufflé par le vent, est la providence.

Bon, il faut quitter l’origine, le pont zéro de ce périple. Je ne sais pas encore où je suis, ni où je vais. Mon instinct me pousse à rejoindre le lac de haute montagne.
Je vais pouvoir m’arrêter en bord d’eau, laisser flâner mon esprit, le temps de plonger nu dans l’eau froide. Mon sang se revigore, mon corps trésaille, mais qu’il est bon de prendre un bon bain, au clair de lune naissant. Je sors des eaux du lac, me sèche, en me roulant sur le tapis de verdure.

Pas l’ombre d’un doute, je ne sais toujours pas où le « taxi » a atterri. Peu importe, il me faut aller où bon qui vaille sur une semaine, sept jours, cent quarante-huit heures,… et 604 800 secondes… Aucun programme à la clef, je jette ma montre dans le fond du sac.


     Où vais-je dormir ? Je sors mes affaires de sport du sac à dos. Je m’habille et chausse mes baskets.

Je cache ma tenue de départ, mon sac à dos, mes chaussures,… derrière un buisson épineux. Je remplis mes gourdes de l’eau du lac et les installe  à la ceinture en tour de taille. J’admire le ciel étoilé, direction la Grande Ourse à la recherche d’un abri naturel pour la nuit.

Il me faut me reposer, attendre l’aurore, pour grimper et explorer les sept lieues aux alentours. Me voici à marcher, guider par la troisième plus grande constellation du ciel. Un pan montagneux se rapproche de moi, mes yeux s’habituent au clair de lune. Je devine au fur et à mesure, ce flanc abrupt, rocailleux, où la verdure s’accroche. « Tiens des cyprès ! » me dis-je. Tout un coteau, puis peu à peu tout un bois…
En voici un, solide, bien arrimé, enraciné dans la terre, toujours inconnue. Il offre une ouverture béante dans son tronc. Je toque à la porte, pas un cri d’animal ne me répond.

J’entre dans ce nouvel antre nocturne, lève la tête et observe l’empyrée par le haut de ce vieux conifère. Je m’assois, médite, puis m’allonge, et mes yeux s’alourdissent. Me voilà au pays des songes.
Recroquevillé, mon horloge encéphalique me pousse à me réveiller, les rayons de l’astral me chatouille le bout du nez.


     Qu’entends-je ? Deux écureuils me regardent l’air ébahis, surpris, amusés et se délectent le palet de quelques glands subtilisés dans leur réserve.  «Debout, me dis-je, il me faut poursuivre mon voyage ! ». Comme Tic et Tac, il me faut me  sustenter.

Je sors de mon cocoon à l’odeur de sève. La voûte stellaire s’est éteinte de ses mille feux, et le satellite terrien est parti dormir. Bien que la Grande Ourse se soit volatilisée, ma direction est bien repérée.
De branche en branche, je sautille, et à la cime de mon protecteur, la main sur le front, je fouille l’espace s’étalant à ma vue. « Toujours pas de signes ostensibles de reconnaissances de ce paysage enchanteresse !! »

Pas grave, je retombe les deux pieds sur cette terre voilée, prends mes jambes à mon cou et suis cette destinée encore mystérieuse. Un noisetier m’arrête, mes glandes salivaires rentrent en ébullition. A la cueillette, je savoure ses quelques fruits sauvages offerts, tombées de leur souche. …

… Il est temps d’ouvrir mon sac caché dans le taillis ardent. Et oui, je suis retourné à la source,… au point zéro, … Le départ est arrivé au regard de ma montre.
Elle indique Mardi 02 novembre – 20h07 -  Je tombe ma tenue de sport et me couche sur le tapis humide du lac. Je pars pour quelques minutes d’apnée,… retour à la source originelle,…
D’un coup je sors, me lève et mon terrier verbal laisse échapper un cri strident,… Il ne manque pas d’air, l’oxygène vient crécher dans mes poumons. Nous allons co-giter pour le reste de la Vie. …


          Quel bonheur de ce voyage. Je me souviens du paysage, de la transhumance du berger, de nos palabres. Je vais rentrer avec toutes ses pensées abreuvant mon imaginaire, les longues soirées d’hiver devant l’âtre du chalet.

Je m’habille de ma nouvelle tenue, taillée dans quelques buissons, herbes, mousses et autres verdures. Dans mon sac à dos, je range toutes mes affaires et je le laisse ici-bas, peut-être, pour un autre voyageur de l’extrême.

20h57… Mon « taxi » me ramène au chalet, l’esprit rasséréné des images du pays où j’ai voyagé… A mon arrivée, j’ai adressé ce courrier au berger que j’avais rencontré sur la plénitude de cette terre inconnue :

                   « Berger,
    Toi l’homme de ce voyage, lorsque tu trouveras mon sac à dos, laissé sur place, pousses le au fond du lac.

Puis à la saignée d’un mouton, nous ripaillerons au méchoui et nous philosopherons sous le halo lunaire.

Aux jumelles, nous contemplerons ce monde nouveau connu de nous, seuls.

Bien à Toi, à l’Orée de l’Ecriture Calligraphique de Notre Epopée.

                                                                                         Ton Ménechme »

Dernière modification par lamalice (05-12-2011 23:07:34)