Forum Grand Corps Malade et slam

Gaspard avait la folie des grandeurs, c’est ce que disait le psychiatre à l’étroit dans son cagibi sans fenêtres extérieures.
Il y avait du vrai, car le curé répétait à l’excès que les biens sur cette terre sont éphémères.
Plus nuancés étaient les propos du maire, qui lui reconnaissait son savoir-faire comme supporter.
Bien sur les commères, par habitude délétères s’en donnaient à cœur joie, pour elles Gaspard n’était pas un mauvais gars, mais en tant que langues de putes avérées, elles ne pouvaient s’empêcher une fois le dos tourné, de le traiter comme le dernier des derniers.
Il avait la boulangère qui se risquait quelques fois avec la poissonnière à dire que Gaspard, certes débrouillard tenait souvent des propos paillards ; par contre rien sur sa folie des grandeurs, elles le voyaient plutôt branleur.
Du coté des bigotes reines de l’anecdote, Gaspard avait le genre coyote, pas étonnant dès lors que sa renommée avait du plomb dans le nez.
Par contre au marché, il était apprécié pour sa jovialité, et sous les halles, jalousait des mâles.

Mais Gaspard s’en foutait, il était bien au-delà de ça, il rêvait et seul cela compté, alors les racontars le laisser peu bavard.
Pour lui l’imaginaire était comme un grand frère, un saut dans l’aventure, les pieds sur les chemins de traverse. Et cette expression de ‘folie de grandeurs’ lui donnait à penser que les gens se complaisaient dans un gris ordinaire, succession de journées sans projets.
Son avenir, il le dessinait le matin, le peignait a midi, et le soir le sublimait, l’enjolivait, façon de maintenir ses lendemains sous excitation permanente. Cela lui permettait de vivre mille vies et autant de situations enivrantes.
Sa vraie folie en somme était sa joie de vivre communicative, son optimisme en acier trempé, le reste étant secondaire, voire carrément sans intérêts.

Le jour où Gaspard s’envola sur les traces du bonheur éternel, il y avait foule pour l’accompagner.
Chacun y allait de son couplet, narrait ses péripéties, la surenchère allait bon train, car maintenant plus question de parler de folie des grandeurs.
On parlait de lui comme un homme ayant accompli son parcours sans rien attendre en retour.
On lui donnait raison, on louait son utopie, il devenait de jour en jour ce héros dont tout le monde aime à se reconnaître, à s’identifier.
On en avait pour longtemps à se rassasier de Gaspard.

Sur la place du village depuis, il se raconte que sans Gaspard, l’arc en ciel a fui l’horizon, entrainant avec lui la perte de son amie l’envie.

Et madame la vie résume cette fable avec ce proverbe ami

N’attendez pas de mourir, ayez en vous l’appétit de la vie, quitte parfois a faire crédit à vos folies