Forum Grand Corps Malade et slam

L’ELDORADO (écoute direct : L'Eldorado)

J’ai pris un bateau direction l’Eldorado,
Un bateau fait de bois, un bateau fait pour moi.
J’ai troqué tous mes dollars pour me payer ce rêve en barre :
Une vie en Europe loin des antilopes qui galopent.

J’ai tout plaqué pour v’nir ici,
Pris tous les risques, misé ma vie.
J’ai traversé des océans, marché des jours les pieds en sang,
Malgré le froid, la faim, la peur, j’ai survécu et ch’ui vivant

Oui m’sieur l’agent,  j’viens d’là-bas.
Non m’sieur l’agent,  j’ai pas d’papier sur moi.
J’pensais pas qu’pour marcher sur ma planète,
Il me faudrait un bout d’papier comme les produits qui portent une étiquette

J’m’appelle Salem Ndiouf, fils d’Abagbé et de Gaïka,
Au village tout l’monde vous l’dira, ch'ui honnête et droit,
Comme vous je rêve, je ris, je vis
Alors un bon geste, j’vous en supplie.

Soyez tranquille, n’ayez pas peur
Ch’ui qu’un humain, d’une aut’ couleur.
Non m’sieur l’agent, j’ai pas d’papier à vous montrer
A quoi ça sert l’identité à part ne pas se mélanger.

Chez moi ma terre est sèche et toute craqu’lée,
Chaque jour on cherche comment on va manger,
Ici vos chiens sont bien nourris
Et on se souhaite « bon appétit »
Voilà pourquoi, j’ai de tout quitté
C’est l’mal au ventre qui m’a am’né

Oui m’sieur l’agent j’ai bien compris
Moi sans papier, moi ennemi…
Non siou plaît, pas les menottes, je vous en prie,
J’ai rien volé et j’ai rien pris.

Ma femme m’attend dans un deux pièces juste à deux pas
J’ai trois petits à faire manger y comptent sur moi
Non m’sieur l’agent, j’montrai pas là.
Je suis Salem Ndiouf, pas un malfrat.

Regardez au coin d’la rue m’sieur l’agent, ces biznessman tous cravatés, costumes soignés
Sont-ils honnêtes parc’qu’ils possèdent un bout d’papier ?
Êtes-vous certain qu’si on a faim
Aucun d’ces hommes n’y sont pour rien ?

Or si chez vous l’argent n’a pas d’odeur
Chez moi les morts ne sont que puanteurs
Je ne prends rien que vous n’laissiez
J’ai cru comprendre que c’était ça le mot : partager

Soyez tranquille, n’ayez pas peur
Ch’ui qu’un humain, d’une aut’ couleur.
Non m’sieur l’agent, j’ai pas d’papier à vous montrer
A quoi ça sert l’identité à part ne pas se mélanger.

Adieu l’Europe, adieu mes rêves
Tout l’monde s’en fout pourvu qu’on crève
J’avais appris la langue et le pays
Mais rien à faire ch’ui pas d’ici,
Chacun pour soi, chacun chez soi

Écoutez-moi les enfants,
Ceci est très important,
Je suis Salem Ndiouf, fils d’Abagbé et de Gaïka
On m’a remis dans un charter, direction ailleurs, direction chez moi

J’voulais pas déranger, j’cherchais juste à manger
Mais hélas j’avais pas d’papier,
Si vous voulez marcher sur la planète,
N’oubliez surtout pas d’vous munir d’une étiquette.

Ce bout d’papier ils appellent ça : l’identité
Obéir, fermer les frontières, trembler, ils appellent ça : la Liberté
Alors si vous courez un jour au d’là d’la steppe,
J’vous conseille de garder ce que j’vais vous dire toujours en tête

Ils savent que notre Terre est sèche et toute craquelée,
Qu’il y a la guerre, la mort, la faim chaque jour à nos côtés,
Mais y z’hésit’ront pas à vous arrêter
Ils ont des ordres… des hommes costumés.

Rassurez-vous si vous restés ici,
Que vous mourrez tous par milliers petit à p’tit,
Dans la douleur si possible, en commençant par les bébés,
Vous connaîtrez la gloire et la célébrité.

Car pour faire du chiffre à l’audimat, j’vous expliqu’rai,
Pour qu’ils s’indigent le cul assis sur l’canapé
Vous pass’rez tous dans leur salon dans une grande boîte animée
Qui forme les bonnes consciences et qu’ils appellent : la télé.

Petit slammeur
(Ndlr : à tous ceux que la faim pousse hors des frontières et que nous ne savons pas (ou si peu) prendre en considération par peur de perdre quelque chose... La solution est dans le partage pas dans la haine ou dans la peur.)

Dernière modification par petit slammeur (09-07-2013 02:01:27)