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MA FRANCE

J’ai rien d’mandé, j’ai rien choisi,
Ch’ui né simplement au hasard, par ici.
On m’dit qu’j’ai du bol et qu’j’suis verni,
Car ailleurs sur la planète c’est bien pire, c’est bien plus pourri…

On m’raconte que pour réussir faut d’l’envie que l’mérite ça s’travaille, ça s’nourrit.
On m’balance des exemples des histoires, des tonnes de « success-story »,
Alors moi j’y crois, et à peine né, je m’languis.

J’apprends l’alphabet, à compter, surtout sur moi,
J’apprends un métier puis deux et puis trois,
J’remplis mon CV de diplômes recherchés,
J’me cultive dans des livres érudits qui parlent d’affaires, d’économie,
Sans oublier les beaux-arts la musique et l’histoire.

J’mords la vie à pleine dent,
Et parfois j’aide mon prochain, de temps en temps.
Mais rien à faire l’horizon est bouché,
Pas moyen d’réussir, j’ai pas la cote, j’ai pas l’kif pas l’désir dans les yeux d’mon banquier.

Mauvaise pioche à la naissance,
J’suis pas né dans la bonne France.
Va falloir galérer si j’veux y’arriver.
Pendant qu’d’autres ont fait un bon mariage,
Où tout simplement touché un héritage,
Moi j’avance pied à pied dans la vie qu’j’me suis faite.

Puis j’entends certains s’vanter,
D’leurs mérites, de leurs hauts faits.
P’tet bien qu’à ma place, si les dés n’avaient pas été pipés,
On les entendrait moins s’la ram’ner,
On les verrait moins s’pavaner montre en or et gourmette au poignet.

Mauvaise pioche à la naissance,
Mais en aucun cas mauvaise conscience.
J’fais d’mon mieux pour avancer,
Et j’me bouge à grands coups d’volonté.
On voudrait m’faire croire à l’ascenseur social alors que d’autres sont déjà en haut et font tout pour brouiller le signal,
On voudrait qu’j’reste sagement assis à écouter toutes ces conneries,
Mais j’regarde plus la télé, j’écoute plus la radio.
Toutes les ondes sont ach’tées, toutes les ondes sonnent faux.
Exilé sur le sol au milieu des huées mes ailes de géant n’m’empêcheront pas d’marcher.

Mon pays c’est la France, héritière des Lumières,
Terre d’asile, de conscience, fraternelle, égalitaire,
Un pays où sur les frontons des écoles sont gravés les mots Liberté, Egalité, Fraternité.
Un pays où un 4 août nos anciens ont aboli les privilèges,
Un pays où Hugo, Voltaire et Jaurès ont écrits les plus grands florilèges.
Un pays de révoltes indomptées malgré les rois, malgré les nobles, malgré les riches
Et où l’humain a plus de valeur que toutes ces batailles de chiffres

J’aim’rais bien voir la mer, respirer, prendre mon temps, prendre l’air,
Mais pour manger faut qu’je taf et pour beaucoup j’suis qu’un pion,
Un enième contribuable que l’on tond à loisir comme on tond un mouton.

Alors j’me démène comme je peux  pour m’tailler un coin d’ciel bleu.
J’suis ni triste ni malheureux, et y’a longtemps qu’j’suis plus envieux,
Mais pour ma descendance et tous ceux qui viendront après eux
J’aimerais bien qu’ma France se reprenne et fasse beaucoup mieux.

Pour qu’aucun talent, aucune force ne s’délite,
Et qu’l’argent ne soit plus synonyme d’une élite,
Que l’on essaie le partage que l’on cesse ce carnage
Des talents laminés pour protéger une caste économiquement sclérosée.

J’ai rien d’mandé, j’ai rien choisi.
Ch’ui né simplement au hasard, par ici.
On m’dit qu’j’ai du bol et qu’j’suis verni,
Car ailleurs sur la planète c’est bien pire, c’est bien plus pourri…
On m’raconte que pour réussir faut d’l’envie, que l’mérite ça s’travaille, ça s’nourrit.
On m’balance des exemples des histoires, des tonnes de « success-story »,
Depuis, l’temps a passé et j’me suis fait mon idée…

Va falloir galérer si j’veux y’arriver.

Petit Slammeur