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Le ciel devient la terre et vice-versa,
Je suis tendu.
Je me retourne et me renverse,
Je suis perdu.
Mon reflet dans la fenêtre,
Me renvoie l'infime existence de mon être.
Il est déjà trop tard. Le ciel se renverse doucement.
Sur les trottoirs se pressent les passants,
Frigorifiés, mécaniques,
Qui sous mes yeux affolés ne forment qu'une fourmilière en panique.
J'accélère.
Plus que 12.
Et toi dans tout ça, où es-tu ?
Sous quel toit ? Que fais-tu ?
Le décor est froid et mon reflet dans ces vitres teintées beaucoup trop serein,
Sait sans s'en soucier qu'il n'y aura pas de demain.
Tu es parti, comme tous les autres, comme tout le reste, dans un fracas assourdissant,
Je te traitais de peste et tes grands gestes incohérents brisaient chacun de nos moments.
Plus que 11.
Je prends de la vitesse. Mon enfance,
La passion, l'innocence sous pression d'un futur sans souffrance.
S’en sortir, s’en sortir, j’ai encore ses mots de mon père dans les oreilles,
S’en sortir mon fils, si tu veux survivre, il faut faire de l’oseille.
Mon corps mêlé de larmes et d'incontinence se refuse à finir ainsi,
Faisant la guerre à mon esprit.
Une balançoire sous un chêne, ma mémoire est en vaine,
Elle se remémore ces moments oubliés, ce passé où tout baigne,
Entre rires, jouets, espoir et genoux qui saignent.
Plus que 10.
Plus que 10, maman. M'en veux-tu ?
Me voilà à quelques secondes de rejoindre la rue,
Le pavé, escorté par mes démons qui se marrent et profitent de l'instant,
De leur victoire sur les restes d'un enfant.
J’ai lâché prise. Personne ne l’a vue,
Si ce n’est cette bise que je suis comme une meneuse de revue.
Plus que 9.
Des bouteilles, de l'humour et des crises de fous rires,
Ont fait naître un amour qui n'est plus que soupirs.
Cette lumière rouge, tamisée d'un appartement d'étudiant,
Tes cheveux ondulés et ton air absent.
Un instant,
Ephémère mais pourtant figé,
Si c’était à refaire, je le referais.
Sur fond d'euphorie collective,
Tu m’apparaissais sensiblement détachée de cette masse trop active.
Tout va trop vite.
Plus que 8.
On s'est aimé, on a construit avec le temps,
Et tout détruit en un instant,
Quand la société m'a mis sur la touche. Ta bouche n'avait plus l'odeur de nos nuits,
Ni l'envie de folie,
Et sans opposer de résistance,
Nous avons pris malgré la proximité du lit,
Nos distances.
Plus que 7.
La vitesse est trop grande pour discerner quoi que ce soit,
Si ce n'est la ligne d'arrivée de cette chute du toi.
Je ne laisse rien, pas d’enfants, je ne pouvais pas.
Tu m’avais dit, il faut y croire,
Mais je crois bien que mon impuissance n’était pas un hasard.
Plus que 6,
Et la fourmilière,
Reprend peu à peu des allures familières.
Je fixe le sol, mon point de non retour,
Je fixe le sol mon amour.
Plus que 5.
Alors c'était ça ma vie, c'était toi, des larmes, du sang, des airs absents, des rires d'enfants, des robots humanisés, des déchirures non refermées, une mère, un père et une grosse dose de désespoir, un écran plat, une homme qui plait, qui le doit pour ne pas qu’en grattant l’émail, quelqu’un puisse avoir une dent contre moi. Un monde, un monde qui ne m’a pas pris parce que je ne l’ai pas compris. Un monde. Une fin…
On ne va pas en faire tout un foin.
Plus que 2.
J'entends un cri et regarde,
Je redoute brusquement d’écraser quelqu’un par mégarde.
J’imagine le journal de demain. Un fait divers de plus.
Des mecs qui se défenestrent, ça émeut autant que quelqu’un qui rate son bus.
Saloperie de société qui nous pousse à la compétition,
De combien de perdant auras-tu besoin pour avoir satisfaction ?
Les passants en bas font des gestes et s’écartent.
Certains hurlent et regardent, d’autres partent.
Je ferme les yeux, il est trop tard et cela depuis longtemps.
Je crois entendre une voix qui me crie « Attends ! »
Plus qu'1…
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Quand on tombe on revoit toute sa vie ! C'est probablement pour ça que ceux qui en réchappent n'ont plus autant envie d'en finir !
Excellente idée !
"Saloperie de société qui nous pousse à la compétition,"
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chronométre enclenché, performances sur l'autel des medias enflammés, ainsi ce résume une course ou le lievre et la tortue se cotoient dans un monde de guingois
bien vu ami
Dernière modification par nouga (24-01-2013 15:54:26)
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je suis scotchée, quelle maitrise dans l'écriture et la chose dite!
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Merci. Nicole, scotchée, rien que ça !!?
En tout cas, c'est dur d'écrire des choses que l'on n'a pas vécues et des sentiments que l'on ne connait pas. J'ai essayé de me mettre dans la peau de cet homme là et je suis d'autant plus content que cela vous plaise.
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ce texte est sublime ! bravo l'artiste !
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Avec facilité, tu changes de peau, pour te mettre dans celle d'un autre personnage, mais au fond ce qui en ressort, n'est il pas un peu de soi quand même ? ...
... Décompter pour mieux (se) raconter, l'Autre étant objet de transfert ?, c'est pour mieux arriver , fuir le temps passé, présent ou prendre un nouveau départ ? J'opterais pour la deuxième solution, ce qui perment d'envisager à compter dans un ordre croissant, conter une nouvelle histoire, celle voulue pour l'avenir proche ? ...
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Certes il y a de moi. Ma peur du vide, mon incompréhension face à une telle situation qui me fait dire que nous vivons dans un monde qui arrive à délaisser les gens jusqu'à ce point.
J'avais beaucoup aimé un article d'un petit journal du web sur un fait divers d'un homme qui avait mis le feu à ses deux enfants avant de se donner la mort.
Au lieu de condamner immédiatement à grands coups de morale comme le faisait les médias plus massifs, il mettait le doigt sur cette société et les engrenages qui arrivent à amener un homme à de tels agissements. Certes c'est horrible mais il avait compris que bien plus que l'homme, c'était le monde dans lequel il vivait qui était en détresse.
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Le monde est il en détresse ? peut il parer à tout ? n'est ce pas à chacun d'avancer et de trouver Sa place ?
... Quoique l'on fasse ou dise, la société ne sera jamais parfaite, elle tend à l'être, ... et même si elle le pouvait, il y aura toujours une donnée sur laquelle elle ne peut agir, c'est l"humain et ses états d'âme, sa détresse personnelle, ses traumatismes, ses maux, ... Nous avons tous des desseins différents, même si nous avions les mêmes cadres matériels, ...
... Donc, se plaindre, c'est bien, ... le faire constamment, c'est chiant, ... Dire pourquoi plutôt que d'essayer de se dire comment, cela est un possible en chacun de nous ... L'un se considère comme une victime, et ce toute sa vie durant, tandis que l'autre cherchera à être acteur pour avancer et se sortir de son guêpier !!!
Dernière modification par lamalice (24-01-2013 16:51:39)
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Vraiment très très fort !
1 bravo XXXXXXXXXXL
J'imagine que ça se passe de cette façon moi aussi.
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j'ai pris une claque !
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Tend la joue gauche !
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Joli texte, belle écriture, thème sympathique ... j'aime un passage qui me plait bien en particulier
" J'entends un cri et regarde, Je redoute brusquement d’écraser quelqu’un par mégarde. J’imagine le journal de demain. Un fait divers de plus. Des mecs qui se défenestrent, ça émeut autant que quelqu’un qui rate son bus. Saloperie de société qui nous pousse à la compétition, De combien de perdant auras-tu besoin pour avoir satisfaction ?"
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+1 avec doudou, des mecs qui se défenestrent, ça émeut autant que quelqu'un qui rate son bus...c'est très fort comme image. Et très parlant.
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