Forum Grand Corps Malade et slam

TOUTE NUE

Non, non, ne rêvez pas les gars, c’est pas sur un forum que je vais me mettre à poil,
Allez, rassurez-vous, les filles, y a pas de risque que je montre mon cul sur la toile.
Non, juste un pied dans une phase d’introspections avec l’envie de les extirper,
Mon cœur, mon âme, à la machine à écrire les maux, j’essaie de les passer.

Toute petite, c’est là que tout ce qui cloche aujourd’hui a montré le bout de son nez.
Ben oui, maman gâteau, privée de douceurs, m’a gavée de ses bons petits plats sucrés.
Je me souviens d’une photo : une jolie petite brune aux joues rebondies qui ne sourit pas.
Cruels à l’école, vous vous souvenez de celle que vous appeliez "la grosse" ? C’était moi.

Effervescente adolescente, ces courbes étranges qui ont poussé n’ont rien arrangé.
Pourtant, comme sortie d’une chrysalide, je me suis révélée dans ma féminité.
Et là, une douce maman aimante me signale "la beauté, ça ne se mange pas".
Dans mes premiers émois, ces mots ont pris le dessus quand il ne le fallait pas.

Etudiante, ah ! La découverte de la liberté, une nouvelle vie, loin du nid.
De malicieux yeux verts, un peu Tarzan, un peu surfeur, un corps bien bâti,
Quels souvenirs de mon premier amour ! Le seul, le vrai, en un mot c’était lui.
Malheureusement, que de souvenirs aussi de cette première rupture qui détruit.

Cette blessure, qu’il a entretenue, m’a poussée à me protéger et à me méfier.
Ils sont nombreux à avoir défilé dans mes bras, mais aucun d’eux n’y est resté.
Oubliés les bons sentiments, une carapace autour de moi s’est formée, en somme.
Alors j’en ai profité, sans partager, passant d’amoureuse à croqueuse d’hommes.

Prise de conscience : les corps serrés n’ont pas répondu à mon cœur perdu.
Alors j’ai tout misé sur mon avenir, que tout ça au moins ne soit pas fichu.
Plus de sentiments, seulement les longues nuits seule à bûcher, à travailler…
Finalement, ce temps là n’a pas été gâché, jour après jour, ça a fini par payer.

Premiers boulots : comment admettre d’être recrutée pour de mauvaises raisons ?
Mon CV enjolivé d’une belle photo m’a ouvert les portes de ma propre prison.
Passé la joie du premier emploi, le harcèlement banal est devenu mon lot quotidien.
Aucun soutien à attendre, ma fille, serre les dents, encaisse, on verra bien demain.

Mais qu’est-ce qui cloche chez moi ? Pourquoi attirer toujours ces regards là ?
La carapace prend de l’ampleur, s’étend, les écailles poussent encore ça et là.
Mon corps sali par ces yeux libidineux s’épaissit, chaque jour un peu plus meurtri.
Mon cœur fatigué s’est refermé sur ces blessures muettes, chaque jour plus endormi.

De longues années ont passé : un simili de vie dans un odieux brouillard, anesthésiée.
Trop occupée à colmater les failles, la lassitude a eu la peau de mon envie d’avancer.
Mais coup du hasard, chance ou faveur de la vie, un nouveau chemin s’est offert à moi.
Décor feutré, relations apaisées, que demander de plus pour redevenir enfin moi ?

Cette belle rencontre avec un homme malheureux, perdu par sa propre tragédie.
Cet homme chaleureux a su réveiller mon âme et mon corps encore endoloris.
Il s’est pourtant nourri de mon regard pour surmonter le déluge de ses complexités,
Puis il est parti se recroqueviller dans sa cage dorée, après avoir goûté à ma liberté.

Aujourd’hui, plus forte que jamais, tout ce qui est arrivé a fait de moi ce que je suis.
La midinette rêvant à un avenir accompagné du prince qu’on lui a toujours promis.
Mi-femme, mi-enfant, charmeuse, rieuse et croquant à nouveau la vie à belles dents.
Toujours éprise de passion et de déraison, une seule chose compte : aller de l’avant.