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Merci Austral! Bonne journée.
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L'on vient de me prêter un livre dédicacé par son auteur, de 1959 tiré à 160 exemplaires de Benoist-Méchin, dont voici un extrait de la préface :
"Mais ai-je fait un voyage ? N'ai-je pas fait plutôt un rêve ?
J'ai vu et entendu tant de choses que, malgré les notes prises au jour le jour, j'ai peine à les ressaisir. Si riche est la moisson qui m'échappe de toutes parts.
Les quatre mois que j'ai passé en Orient ne m'ont pas seulement beaucoup appris sur le monde arabe et sur l'Islam. Ils m'ont amené à m'interroger sur moi-même, sur mon pays. Sur cette civilisation occidentale dont j'étais un des héritiers. A ce titre, tout ce que j'ai vu et entendu, observé et enregistré, a fait de ce voyage bien autre chose qu'une enquête politique ou tentative de dépaysement.
Ce voyage, commencé comme une partie de plaisir, a pris un aspect très différent, au fur et à mesure que s'en multipliaient les étapes. il est devenu une expérience intérieure. "
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C'est beau et on voudrait tant que cette possibilité de voyager et de s'ouvrir aux autres cultures puisse être offerte au plus grand nombre.
Pour moi ce sera "La paix" du grand poète grec Yannis Ritsos (1909 - 1990)
Texte traduit du grec par l'auteur,
Revue Europe, août-septembre 1983
in Guerre à la guerre - Éditions Bruno Doucey - octobre 2014
Le rêve de l’enfant, c’est la paix.
Le rêve de la mère, c’est la paix.
Les paroles de l’amour sous les arbres
c’est la paix.
Quand les cicatrices des blessures se ferment sur le visage
du monde
et que nos morts peuvent se tourner sur le flanc et trouver
un sommeil sans grief
en sachant que leur sang n’a pas été répandu en vain,
c’est la paix.
La paix est l’odeur du repas, le soir,
lorsqu’on n’entend plus avec crainte la voiture faire halte
dans la rue,
lorsque le coup à la porte désigne l’ami
et qu’en l’ouvrant la fenêtre désigne à chaque heure le ciel
en fêtant nos yeux aux cloches lointaines des couleurs,
c’est la paix.
La paix est un verre de lait chaud et un livre posés devant
l’enfant qui s’éveille.
Lorsque les prisons sont réaménagées en bibliothèques,
lorsqu’un chant s’élève de seuil en seuil, la nuit,
à l’heure où la lune printanière sort du nuage
comme l’ouvrier rasé de frais sort de chez le coiffeur du quartier,
le samedi soir
c’est la paix.
Lorsque le jour qui est passé
n’est pas un jour qui est perdu
mais une racine qui hisse les feuilles de la joie dans le soir,
et qu’il s’agit d’un jour de gagné et d’un sommeil légitime,
c’est la paix.
Lorsque la mort tient peu de place dans le cœur
et que le poète et le prolétaire peuvent pareillement humer
le grand œillet du soir,
c’est la paix.
Sur les rails de mes vers,
le train qui s’en va vers l’avenir
chargé de blé et de roses,
c’est la paix.
Mes Frères,
au sein de la paix, le monde entier
avec tous ses rêves respire à pleins poumons.
Joignez vos mains, mes frères.
C’est cela, la paix.
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jolis textes
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On a entendu ce poème à Marseille aujourd'hui.
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Tu es passée pour rester au présent dans mon futur : Claude Msi C des "putains" de textes !!!
J'étais cool, assis sur un banc, c'était au printemps
Ils cueillent une marguerite, ce sont deux amants
Overdose de douceur, ils jouent comme des enfants
Je t'aime un peu, beaucoup, à la folie, passionnément
Mais à la suite d'une douloureuse déception sentimentale
D'humeur chaleureuse je devenais brutal
La haine d'un être n'est pas dans nos prérogatives
Tchernobyl, tcherno-débile! Jalousie radio-active
Caroline était une amie, une superbe fille
Je repense à elle, à nous, à nos cornets vanille
A sa boulimie de fraises, de framboises, de myrtilles
A ses délires futiles, à son style pacotille
Je suis l'as de trèfle qui pique ton cœur
L'as de trèfle qui pique ton cœur
L'as de trèfle qui pique ton cœur, Caroline
Comme le trèfle à quatre feuilles, je cherche votre bonheur
Je suis l'homme qui tombe à pic, pour prendre ton cœur
Il faut se tenir à carreau, Caro ce message vient du cœur
Une pyramide de baisers, une tempête d'amitié
Une vague de caresse, un cyclone de douceur
Un océan de pensées, Caroline je t'ai offert un building de tendresse
J'ai eu une peur bleue, je suis poursuivi par l'armée rouge
Pour toi j'ai pris des billets verts, il a fallu qu'je bouge
Pyromane de ton cœur, canadair de tes frayeurs
Je t'ai offert une symphonie de couleurs
Elle est partie, maso
Avec un vieux macho
Qu'elle avait rencontré dans une station de métro
Quand je les vois main dans la main fumant le même mégot
Je sens un pincement dans son cœur, mais elle n'ose dire un mot
C'est qu'je suis l'as de trèfle qui pique ton cœur
L'as de trèfle qui pique ton cœur
L'as de trèfle qui pique ton cœur, Caroline
Claude MC prend le microphone genre love story raggamuffin
Pour te parler d'une amie qu'on appelle Caroline
Elle était ma dame, elle était ma came
Elle était ma vitamine
Elle était ma drogue, ma dope, ma coke, mon crack
Mon amphétamine, Caroline
Je repense à elle, femme actuelle, 20 ans, jeune et jolie
Remets donc le film à l'envers, magnéto de la vie
Pour elle, faut-il l'admettre, des larmes ont coulé
Hémorragie oculaire, vive notre amitié
Du passé, du présent, je l'espère du futur
Je suis passé pour être présent dans ton futur
La vie est un jeu d'cartes
Paris un casino
Je joue les rouge cœur, Caro
Je suis l'as de trèfle qui pique ton cœur, Caro
L'as de trèfle qui pique ton cœur
L'as de trèfle qui pique ton cœur, Caroline
Je suis l'as de trèfle qui pique ton cœur
L'as de trèfle qui pique ton cœur
L'as de trèfle qui pique ton cœur, Caroline
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C'est vrai, c'est un texte magnifique. Je me souviens combien l'auteur te touche.
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je suis l'as de cœur, même pas peur
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Quel artiste et quelle chanson
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J'adore cette chanson !!! J'avais adoré la reprise de Fabien et Soprano dans Taratata!
Miss, c'est une question ou une exclamation ? Sinon, c'est MC Solaar " Caroline"
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Une exclamation bien sûr!!!
Dernière modification par Miss' Janvier 2014 (14-08-2017 12:47:10)
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https://lemediapresse.fr/societe-fr/mam … -la-foret/
MAMOUDOU GASSAMA, LE HÉROS QUI CACHE LA FORÊT
Posted by Théophile Kouamouo - Journaliste | Mai 29, 2018 | Société | 1
"Posons les faits, au cas hypothétique où vous n’en auriez pas entendu parler. Ils se sont déroulés dans le 18ème arrondissement de Paris, samedi dernier. Un attroupement se crée rue Marx-Dormoy. Et pour cause : l’on aperçoit un enfant suspendu sur le rebord extérieur d’un balcon, au quatrième étage d’un immeuble. Il peut tomber à n’importe quel moment et s’écraser au sol. C’est alors qu’un passant vient au secours de cet enfant, de manière hyper spectaculaire et en prenant des risques assez fous. Plus tard, on apprend qu’il s’appelle Mamoudou Gassama, qu’il a 23 ans, qu’il est Malien et sans-papiers. Très vite : les choses se précipitent pour lui. Emmanuel Macron le reçoit à l’Elysée, lui annonce sa régularisation et son intégration, en service civique, au sein des pompiers de Paris. Il lui propose de déposer une demande de naturalisation. C’est une belle histoire, mais également une histoire ambiguë qui devrait nous interroger.
LE TEMPS DE LA RÉFLEXION EST VENU
Nous devrions réfléchir sur les rapports que notre “société du spectacle” entretient avec des émotions qui sont sur le moment très fortes, teintées de larmes et ponctuées de buzz, mais au final éphémères et sans conséquences sur le long terme. On se souvient du petit Aylan Kurdi, trois ans, retrouvé sur une plage turque, et qui est devenu le symbole de la détresse des réfugiés syriens. Qu’en est-il resté ? Pas grand-chose, une fois la vague de bons sentiments passés. L’empathie vis-à-vis des exilés n’a pas grimpé en flèche. La nécessité de prendre en compte les fracas de l’histoire mondiale dans notre compréhension de ce qui peut nous arriver au niveau national, la prise de conscience de la responsabilité de nos Etats dans le chaos militaire, économique et climatique qui produit les vagues de migration… rien de tout cela ne structure sérieusement le discours médiatique ou politique.
On pleure un petit coup, on partage sur Facebook, et on se sent bien, on se sent bon.
La belle histoire de Mamoudou Gassama doit aussi nous faire réfléchir sur notre regard sur l’héroïsme et les héros.
Quand on est un sans-papier, faut-il être un héros pour être régularisé en 2018 en France ? Nous parlons d’un pays où jusqu’en 1999, avec le gouvernement Jospin et Jean-Pierre Chevènement, qui était loin d’un gauchiste chevelu, des régularisations massives de sans-papiers avaient lieu sans que la submersion que nous promettent les prophètes du “grand remplacement” n’ait lieu. Plus on abaisse l’humanité du citoyen ordinaire, plus on élève des héros qui écrasent de leur prestance le pékin lambda. Pour être un peu provocateur, on peut dire : « tu veux avoir des papiers ? OK, mais avant il faut sauver un bébé ! »
Mais au fait, qu’est-ce qu’un héros ? Si le voisin, ou les pompiers, ou quelqu’un d’autre avait sauvé le petit garçon du dix-huitième avant Mamoudou, sa pulsion altruiste initiale lui aurait-elle valu le titre de héros ? Et s’il n’était pas parvenu à sauver l’enfant malgré ses efforts ? Et si son acte n’avait pas été filmé, et partagé ? Si nous ne réussissons pas à prouver notre utilité, sommes-nous dignes de recevoir la solidarité de la société ?
Les immigrés clandestins qui s’usent la vie à travailler, gagnent 300 euros au noir et envoient 100 euros à leur famille restée au pays… ces anonymes invisibles qui, en 2016, participent à contribuer au PIB du Liberia à hauteur de 29% ou des Comores à hauteur de 21,2% sont-ils des héros ou des zéros, de simples profiteurs qui viennent manger notre pain et accessoirement nous imposer leur mode de vie ?
Nous sommes en France en 2018. Trois exilés ont été retrouvés morts dans les Alpes, dans un intervalle de deux semaines, en tentant de rejoindre la France à partir de l’Italie. Et ceux qui se dévouent pour porter secours à leurs semblables sont susceptibles de se faire arrêter et traduire devant les tribunaux pour délit de solidarité.
Nous sommes en 2018, en France, une loi asile-immigration contestée par le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme et la quasi-totalité des associations spécialisées a été adoptée à l’Assemblée nationale.
Et dans cette France de 2018, un de ces parias surgit devant nos smartphones, nous montre qu’il est un homme, et qu’en tant que tel il peut être capable du meilleur. Et nous le baptisons “Spiderman”, pour lui donner sans trop y penser des droits qu’on refuse à ceux qui lui ressemblent."
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...
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à propos du héro:
dans les années 1960 Gérard Klein publie sous le pseudonyme Gilles d'Argyre trois livres
Le rêve des forets
Les voiliers du soleil
Le long voyage
le premier commence par un homme seul à bord de sont vaisseau spatial qui rentre d'une mission d'exploration vers Alpha du centaure. son but déterminer s'il y a une planète habitable. si ma mémoire fonctionne à peut près ça doit être un truc comme "Il rentait à la maison"
Mais voilà la mission est un échec il n'y a rien. et notre homme se met à penser à ce qu'il l'attend.
il sera un héro. le simple fait d'y être allé fera de lui un héro. mais il n'aura rien à dire vu qu'il n'y a rien. alors il se taira. et les gens imagineront de folles aventures. Mais il n'a rien fait, rien trouvé. et il sera un héro. et plus il se taira, plus l'imagination travaillera et plus ils sera un héro. on lui posera mile questions et il s’efforcera de ne pas s'aventurer dans des réponse douloureuses. ainsi il entretiendra le mystère et il n'en sera qu'un plus grand héro encore.
La maison d'édition de Gilles d'Argyre ayant fermé Gérard Klein à changé d'éditeur et en 1989 sa maison d'édition décide de réédité ces trois livres Mais elle voulait conserver le Pseudo original. Il fut décidé que les éditer sous le nom de plume de Gérard Klein mais en y ajoutant la mention "Saga d'Argyre". On les trouves encore. Je replonge dans ma mémoire de 30 ans pour me repasser vite fait ce texte et je trouve qu'il est toujours dans un certain sens actuel. Migration, pauvreté, pollution, réfugier climatiques.
A+JYT
Dernière modification par sekaijin (30-05-2018 15:49:09)
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"Pendant notre marche, une adorable jeune fille s'écarta de la file pour pénétrer dans une touffe de grandes herbes sèches et, quand elle en ressortit, elle portait comme par magie une magnifique fleur jaune au bout d'une longue tige. Elle se l'attacha autour du cou, si bien que la corolle dansait sur sa poitrine comme un bijou précieux. Les membres de la tribu l'entourèrent pour lui dire qu'elle était charmante et qu'elle avait fait le bon choix. Toute la journée, on la complimenta. Le plaisir de se sentir tout spécialement jolie illuminait son visage...
Au soir de notre journée dans le désert, la jeune fille du vrai peuple déposa la fleur sur le sol pour la laisser retourner à notre mère la Terre. Elle avait joué son rôle.
La jeune fille lui en était reconnaissante et garderait en mémoire le souvenir de l'attention de tous. Elle avait eu la confirmation qu'elle était très séduisante, mais elle ne s'était pas attachée à l'objet qui lui avait procuré ce plaisir.
La fleur pouvait se faner, mourir, redevenir humus et être recyclée.
Le bijou de la jeune aborigène avait une signification, quand les nôtres n'ont qu'une valeur vénale."
Marlo Morgan (1995), "Message des Hommes Vrais au monde mutant", Edition Albin
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Merci Austral!
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coucou l'ami , beau message
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+1
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Et nous, nous aimons la vie autant que possible
Nous dansons entre deux martyrs.
Entre eux, nous érigeons pour les violettes un minaret ou des palmiers
Nous aimons la vie autant que possible
Nous volons un fil au ver à soie pour tisser notre ciel et clôturer cet exode
Nous ouvrons la porte du jardin que le jasmin inonde les routes comme une belle journée
Nous aimons la vie autant que possible
Là où nous résidons, nous semons des plantes luxuriantes et nous récoltons des tués
Nous soufflons dans la flûte la couleur du lointain, lointain, et nous dessinons un hennissement sur la poussière du passage
Nous écrivons nos noms pierre par pierre.
Ô éclair, éclaire pour nous la nuit, éclaire un peu
Nous aimons la vie autant qu'il est possible
Traduction d'un poème de Mahmoud Darwich (poète palestinien) : "Et nous, nous aimons la vie"
Nota : hier 2 morts palestiniens, vendredi dernier 7. Vendredis après vendredis, le peuple de Palestine se meurt, et ce dans une profonde indifférence générale !
et du même auteur : "L'olivier"
L’olivier ne pleure ni ne rit. Il est le seigneur des pentes pudiques. De son ombre, il recouvre ses jambes et il ne se dévêt pas de ses feuilles devant la tempête. Debout comme s’il était assis, assis comme s’il se tenait debout, il vit en frère d’une éternité familière et en voisin d’un temps qui l’aide à faire provision d’huile de lampe et à oublier les noms des envahisseurs à l’exception de ceux des Romains, ses contemporains, qui empruntèrent quelques-uns de ses rameaux pour tresser les couronnes. Ils ne le traitèrent pas en prisonnier de guerre, mais en grand-père respecté dont la noble dignité brise les glaives. Dans l’argenté de son vert ascétique, la timidité de la couleur pour dire et pour regarder plus loin que la description. Ainsi n’est-il ni vert ni argenté. Il aurait la couleur de la paix si la paix avait besoin d’une couleur.
On ne lui dit pas : Que tu es beau ! Mais : Que tu es noble et vénérable. Et lui, il entraîne les soldats à abandonner leurs fusils et il les entraîne à la nostalgie et à la modestie :
« Rentrez à la maison et, avec mes huiles, allumez vos lampes. »
Dernière modification par austral-didjeridu (06-10-2018 14:17:46)
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Textes très touchants, vraiment.. et si vrais
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Le poisson Fa B Lapointe
Il était une fois
Un poisson fa
Il aurait pu être poisson-scie
Ou raie
Ou sole
Ou tout simplement poisson d'eau
Ou même un poisson un peu là
Non, non, il était poisson fa
Un poisson fa
Voilà
Il n'avait même pas de dièse
Et d'ailleurs s'en trouvait fort aise
C'est un truc, disait-il
À laisser à l'écart
Après, pour l'enlever
Il vous faut un bécarre
Et un bécarre
C'est une chaise
Qui a un air penché et pas de pieds derrière
Alors, très peu pour moi
Autant m'asseoir par terre
Non, non, non, non, non, non, non
Pas de dièse
Quoi vous avez le front de trouver cela beau
Un dièse qui vous suit partout comme un cabot?
Comme il disait ces mots, passait sur le trottoir
Un cabot très truité, qu'il avait vu trop tard
Et qui avait ouï la fin de la harangue
Ut, dit fa in petto
J'ai mal tenu ma langue
Ça pourrait me coûter poisson
C'est comme ça qu'on dit en langage poisson
On ne dit jamais "cher", on dit toujours "poisson"
Paroliers : Robert Jean Francois Joseph Lapointe
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en ce moment pas trop de maquereaux en cause dauphins et phoque qui sont en nombre
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Toujours aussi plaisant à lire! Et à écouter! https://www.youtube.com/watch?v=ICAO-kV5YD4
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Extrait de « Shiftas » de Léonard Vincent dont je vous ai parlé dans « les bouquins que vous aimez », qui m'a fait pensé à SylvA et à une certaine photo, je vous laisse deviner.
« Un jour, en Italie, je crois, un mec a inventé le parfait soldat, raconte lentement Medhanie. Le guerrier ultime. Un soldat complètement silencieux, discret, presque invisible tellement il n'a l'air de rien. Le genre de soldat que tu peux multiplier à l'infini et que personne ne remarquera. Tu en fais un, tu le mets dans un coin, il est là, immobile, il ne dérange personne. Alors, tu en fais un deuxième, puis un troisième, puis dix, puis cent, puis un million, et personne ne bouge. Putain de génie. D'abord, il a eu l'idée. Le coup de soleil, quoi, le flash. Et puis il a dessiné son invention sur une feuille de papier, il a pris des notes , il a fait des mesures. Ensuite, il a trouvé le moyen de le faire devenir réel et c'était parti. En douce , chaque jour, il en a fait sortir un nouveau. Chaque jour , il y en avait un nouveau sur la route, qui partait dans toutes les directions du monde, en camion, en bateau, en avion, à dos d'âne même. Et nous, on n'a rien vu. Du coup, très vite, il y en avait un milliard, deux milliards, peut-être plus, dans tous les pays du monde, partout. Personne n'a moufté. On n'a rien vu. On les a accueillis chez nous, à l'aise, tranquilles. Sans rien dire, sans déclaration de guerre, l'Italien a envoyé son armée prendre le contrôle de la planète. La machine de guerre absolue. Et voilà. On est encerclés, c'est fini. » Medhanie prend une courte bouffée et passe la cigarette à Bruno. « C'est dingue, quand même. Se laisser envahir comme ça sans réagir. - De quoi tu parles ? réplique Bruno. - Des chaises en plastique ! Le mec qui a inventé les chaises en plastique, il devrait être le maître du monde. La même chaise en plastique blanc, partout, même quand tu n'en cherches pas. J'en ai vu toute ma vie, moi. En Erythrée, il y avait un vieux qui venait s'asseoir dessus, tous les soirs, quand j'étais petit, dans la cour de mon immeuble. Autour de la table, chez mes grands-parents, il y en avait six et l'une d'elles avait un coussin pour le cul des vieux. Au camp militaire, c'était le trône des officiers. J'en ai vu dans le maquis, au milieu du désert avec les pattes en l'air, comme si elles étaient tombées du ciel. Au Soudan, en Libye, même en plein Sahara, celui qui s'asseyait sur la chaise en plastique, c'était le chef. En Europe, vous en avez par-dessus la tête, des trucs comme ça. Dans les jardins, dans les maisons, dans les appartements. S'il y en a une qui a un pied cassé ou le dossier qui plie, vous vous en débarrassez et ce sont les pauvres qui la récupèrent. Des chaises en plastique blanc, il y en a en Chine, au Brésil, en Jamaïque, en Norvège, en Russie, en Allemagne, chez les djihadistes, chez les fachos, chez les Mayas, et jusqu'à ce foutu recoin du trou du cul de la Somalie. J'en ai même vu au fond de la mer. A la Viste, il suffisait de tendre le bras pour en tirer une et s'asseoir dessus. Comment tu crois que je rendais la justice ? Et si tu vas à la plage, tu vas boire ta bière, manger tes sardines ou surveiller les baigneurs bien calé dans une chaise en plastique blanc. Mais tu sais quelle erreur il a faite, l'Italien ? Tu sais la seule erreur qu'il a faite ? - Non. - Il n'a pas déposé le brevet. Tu le crois, ça ? Il n'a pas déposé le brevet, le con d'Italien, putain. »...
Dernière modification par Maya (26-06-2019 19:19:45)
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excellent ! et qui fait réfléchir
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants de Mathias Enard
Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l'amour; au vide, ils répondent en construisant des châteaux et de temples. Ils s'accrochent à des récits, ils les poussent devant eux comme des étendards; chacun fait sienne une histoire pour se rattacher à la foule qui la partage. On les conquiert en leur parlant de batailles, de rois, d'éléphants et d'êtres merveilleux; en leur racontant le bonheur qu'il y aura au-delà de la mort, la lumière vive qui a présidé à leur naissance, les anges qui leur tournent autour, les démons qui les menacent, et l'amour, l'amour, cette promesse d'oubli et de satiété.
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Tant qu'à combler le vide autant opter pour l'Amour! Hors contexte j'ai du mal à saisir si l'auteur est juste lucide ou dépressif...
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Excellente l'histoire des chaires en plastique
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SylvA, je savais que tu ne raterais pas ce clin d'œil.
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