Forum Grand Corps Malade et slam

Yakushama est un homme élégant, raffiné, en plus d'être un homme d'affaires. Coquet, il prend soin à chaque jour que Dieu fait, à se présenter courtoisement, dans un costume trois pièces en tweed, le crâne rehaussé de son couvre-chef, pour « garder, dit-il, ses pensées bien au frais et aérées ! »

Mais avant toute chose, il s’attelle tranquillement à se rassasier le palais, en mastiquant doucement, un bon pain dans lequel il ne manque rien, surmonté d'une confiture de reine claude.

Puis, satiété annulée et habillé chiquement, il sort, de sa noble demeure, pour s'adonner à temps complet au monde de ses affaires.

Chez lui, pas de temps mort, chaque geste, chaque mouvement à son intérêt et ce, dans un but précis : ne perdre aucune énergie inutilement.

Sa vie, il veut la respirer à pleins poumons, n'appréhendant pas la fin, bien au contraire. Plus, il s'en approche, plus son épanouissement se lit et se grave sur son visage, dont aucune ride, aucune marque du temps, n'est effacée.

De son cÅ“ur, la sève irrigue les veines libérées de son écorce, et sa descendance aime s'amuser, avec lui, à en deviner les années. Chaque cercle de son arborescence se greffe à lui, le cÅ“ur du bois, et il aime leur rappeler ce dicton «  Plus un arbre est vieux, plus son cÅ“ur est résistant, … sauf en cas de maladie ! »


    De son temps, jeune samouraï, il a acquis la notion du respect et des valeurs du moment qui s'écoule, à travers la clepsydre, que lui a offerte, à l'instant venu, son maître, son mentor.

Aujourd'hui, à chacun de ses pas volontaires et assurés, malgré son grand âge, Yaku, comme le surnomme ses plus proches collaborateurs, transmet la mémoire de ses connaissances, qui ont forgées ses décisions et jalonnées son parcours.

Même, s'il ne fait pas un temps à mettre un chien dehors, le vieil homme, accompagné de son valet, - son gardien du temps comme il l'appelle -, se rend à son travail, à pied, pour « humer, dit-il, chacune des molécules d'air »,  quitte à braver les gouttes d'eau ou les flocons de neige qui lui fouettent le visage. 

Il n'oublie pas ainsi du milieu très défavorisé duquel il vient, milieu aux fondations pourries par l'humidité, la misère, fondations qu'il a, néanmoins, gardées et renforcées, au fur et à mesure, que les aiguilles de sa montre-gousset, transmise de main en main depuis son arrière-arrière grand-père, ont fait moultes et infinis tour du cadran.


    Demander lui s'il a du temps à perdre, il vous rétorquera bien sagement, qu'il peut vous en faire gagner, et qu'à la balance des deux, leur somme sera nulle et invisible. Pour lui, rien n'arrête le temps,  et il ne croit pas à la machine à remonter le temps.

Plusieurs fois par jour, il vénère seulement celui de sa précieuse montre-gousset qu'il remonte toujours dans le même sens, sinon, dit-il, « les sillons chaleureusement tatoués dans la terre de labour, seraient cicatrisés inutilement par les eaux de ruissellements, et toute la dure labeur de la tâche quotidienne serait à jamais enfouie dans l'oubli ! ».

De son infime Sagesse, il savoure qu'il y a un temps pour tout, et de cette méditation,  il l'applique, à son  étincelle de lumière intérieure, à chaque tantième du temps qui passe.


    De cette histoire,  prendre du bon temps, il nous faut retenir … même lorsque la tempête se déchaîne et que les éléments sont contre-soi... Nous ne pouvons aller à contre-temps, la tête dans un sens, et les pieds à contre-sens.

Dernière modification par lamalice (06-12-2013 10:03:37)