Forum Grand Corps Malade et slam

Faut bien r’connaître que d’puis tout p’tit,
J’ai fait gaffe à tout c’que j’ai dit,
P’t’être un peu pour me protéger,
Mais j’crois surtout pour pas blesser.
Souvent, blotti au fond d’mon lit,
J’regrettais d’être faible aussi,
De n’pas savoir, de n’pas oser,
De me taire et de l’accepter.

J’ai arpenté comme ça la vie,
Masquant mes peurs et mes envies,
Jovial dans la cour de récré,
Un copain comme tu peux rêver.
Ado, j’ai fais quelques conneries,
Avec ceux qu’j’appelais mes amis,
J’avais la tchatche, j’les f’sais marrer,
Mais y’f’saient d’moi ce qu’ils voulaient.

   Je vous avoue qu’je sais parler,
   Et en blabla, j’assure, c’est vrai.
   Beau port de voix et bonne diction,
   Pour dire « rien », j’suis un champion.

C’est donc comme ça que j’ai construit,
Ma relation avec la vie,
Bourré d’faux semblants, de clichés,
Qu’on m’admire, que je sois aimé.
J’crois qu’parfois j’ai bien réussi,
J’plaisais aux gens, j’étais ravi.
Mais tout ça n’a rien réparé,
J’crois même que ça l’a empirée.

Mais ma vie n’était pas finie,
Encore plein d’choses à vivre ici,
Au matin d’un 1er Janvier,
J’ai donc franchi l’pas, j’ai osé,
Offrir mon cœur à celle qui,
Jusqu’y’à peu partageait ma vie.
Mais j’ai pas pu vraiment lâcher,
Mes vieux démons bien trop ancrés.

   Je vous avoue qu’je sais parler,
   Et en blabla, j’assure, c’est vrai.
   Beau port de voix et bonne diction,
   Pour dire « rien », j’suis un champion.

Avec elle, j’avais le tournis,
Sa vie, c’était la zizanie,
Et moi j’pensais lui apporter,
Du bonheur, d’la stabilité,
Mais en fait, j’avais rien compris,
Coincé dans ma vie bien pourrie,
J’avais rien vu, j’ai continué,
Pour nous bien sûr qu’j’vais assurer.

Rêver un av’nir pour nos p’tits,
Comme les moineaux, contruire un nid.
On s’est donc un peu oublié,
Nos passés nous ont rattrapé,
Ça fait p’t’être mal mais c’est ainsi,
Allez ça va aller, chéri.
Mais c’est vrai que j’restais bloqué,
Que je n’voulais pas l’assumer.

   Je vous avoue qu’je sais parler,
   Et en blabla, j’assure, c’est vrai.
   Beau port de voix et bonne diction,
   Pour dire « rien », j’suis un champion.

Les cinoches à deux, tu oublies,
J’garde les enfants. Allez, vas-y !
Et puis ces soirs d’vant la télé,
Un truc pratique pour pas parler.
« Regarde on est si bien ici »,
C’est vrai, j’l’ai p’t’être un peu trop dit.
Des autres, on a bien disserté,
Mais d’nous, fallait pas en parler.

Et puis un jour, tu es partie,
Ça a été ma thérapie,
Tu avais enfin rencontré,
Quelqu’un avec qui partager,
Les rires qu’il n’y’avait plus ici,
Une dynamique, un style de vie.
Des bonheurs pour te projeter,
Tout c’que j’n’pouvais t’apporter.

J’me suis rel’vé et je grandis,
J’ai accepté ce que je suis.
J’aime essayer la liberté.
Ou plutôt j’essaye de l’aimer.
J’irais pas jusqu’à t’dire merci,
D’ailleurs, c’est pas l’propos ici,
Car dans mon corps ankylosé,
Je commence à me retrouver.

   Je vous avoue qu’je sais parler,
   Et en blabla, j’assure, c’est vrai.
   Beau port de voix et bonne diction,
   Pour dire « rien », j’suis un champion.

   Mais dans ce texte que j’viens d’poser,
   J’ai l’impression de m’être laché.
   C’est un p’tit slam sans ambition,
   Grâce auquel j’exorte « le con »    ……

   â€¦.. qui a tout gaché.