Vous n'êtes pas identifié.
Grand père,
Qui suis-je pour te parler ainsi?
Moi qui ne suis même pas ta fille
Bien que le même sang coule en nos veines
Et abreuve mes peines?
Je ne t'ai jamais connu
Mais c'est chaque été que je te croise sur le mur du salon
Soldat sérieux au crane tondu
Prêt à tout surement pour prendre du galon.
Je ne peux m’empêcher de chercher ce point d’horizon
Que déjà ton regard conquérant sur lui pose
Et cette femme qui refait son chignon
Qu’en fais-tu? Elle aux joues si rose...
Qui suis-je pour te parler ainsi?
Moi qui ne suis même pas ta fille
Bien que le même sang coule en nos veines
Et abreuve mes peines?
Je ne t'ai jamais vu,
Pas même mon père qui trois ans seulement t'a connu
Et que dire du p’tit dernier tout juste fœtus
Deux gosses à jamais fils d'inconnu !
J'ai mal à l'idée de cette rancœur
J’aurai tant voulu que tout se termine sans heurt
Que dans mes souvenirs les plus clairs
Une enfant embrasse son grand-père
Me dise voici la chair de ma chair
Le flambeau des années à venir
Ma p’tite fille pour qui j’ai fui la guerre
Celle pour qui j’ai renoncé à partir…
Et sur ces murs gris
Un peu de couleur de nouveau
Sur ces instants de bonheur pris
Sa revanche sans égal en gros.
Sur les joues de grand-mère
Un peu plus de rose
Et de nouveaux rêves dans les yeux de mon père
Mais tu n’as pas réfléchi
Au fait qu’un jour, ta petite fille
Te réclamerait
Qu’un jour ton absence marquerait
Que quand on meurt
On n'est jamais seul
Qu’on part toujours avec une part de ceux qui nous aiment
Et moi qui ne t’offre que quelques larmes
Une fois par an sur ta tombe
Seule, il n'y a que là et comme ça
Que j’arrive à déposer les armes
Car tout comme toi
J’ai fui une réalité dénuée de sens
J’ai construit une ligne de défense
Qu’uniquement pour toi j’abaisse
Une fois par an
Pour te dire que ta pensée me blesse
Que tu me manques
Mais qu'un jour moi aussi
J’atteindrais ce point d'horizon.
CÅ“ur meurtri
Et pourtant! Je ne t'ai jamais connu
Je ne suis que la chair de ta chair
Que tu n’as pas connu, préférée à un devoir de guerre.
Qui suis-je pour te parler ainsi?
Moi qui ne suis même pas ta fille
Bien que le même sang coule en nos veines
Et abreuve mes peines?
Je ne suis que ta petite fille de nom et de sang
Les sentiments et souvenirs étant aux abonnés absents.
Ta petite fille bon sang !
Qui te ressemble beaucoup trop d’après les gens.
Et crois-moi, être le sosie d’un non vivant n’a rien de bien évident.
Qui suis-je pour te parler ainsi ?
Celle qui chaque matinée d’été croise un instant
L’homme de l’armée décédé
Qui aurait dû être mon grand père tant aimé.
Hors ligne