Forum Grand Corps Malade et slam

Handinhead*
(La main dans la tête)

    Francis, il n'a jamais pu aimer son fils, car son fils est un trisomique pour la médecine, et un débile pour les autres.

    Pourtant Francis il s'en souvient de la naissance de son fils, il était comme un fou entrain de porter dans ses bras ce petit bout d'homme qui allait être son fils. Il se souvient de cette petite bouille, de ces petits yeux fermés, de ces petites mains et de ces petits pieds qu'il aimait caresser au bout de ses doigts. Et puis comme tous les pères qui vient d'avoir un enfant, il s'était dit que son fils était l'enfant le plus beau du monde.

    Aussi Francis, il se souvient de ces journées à lui avoir changé les couches, à devoir se lever la nuit pour lui donner des biberons. Il se souvient quand il lui pissait dessus car c'était la goutte de lait qui avait fait déborder le p'tit zizi et que ça le foutait en rogne quand ça lui arrivait parce qu'il devait se changer à toute allure pour ne pas être en retard à son boulot.

    Francis, il avait tout imaginé avec son fils. Il s'était imaginé avec lui au match de foot entrain de lui apprendre à péter sur l'hymne national. Puis il se voyait marcher avec lui la main dans la main dans le parc pour frimer et le montrer à toutes les filles qu'il croiserait et lui diraient « C'est votre fils? Comme il est tout mignon votre fils. » Mais là quand c'est la cas, Francis répond « Non, ce n'est pas le mien, c'est mon neveu. » et quand on lui pose la question « C'est normal, s'il sourit tout le temps votre fiston? » Francis leur rétorque « Comme je vous l'ai dis ce n'est pas mon fils, c'est mon neveu. Et comme il est content, hé ben il sourit. D'ailleurs c'est la seule chose qu'il sait faire. sourire» « Comme c'est mignon, un père avec son fils qui se promènent tous les deux dans le parc ». Là Francis pour ne pas devenir agressif  et détester encore plus son fils qui continue à sourire bêtement, il préfère tourner les talons et aller voir ailleurs.

    Francis quand il est dans le parc avec son fils, il aimerait l'abandonner là, au milieu de nulle part et quand il rentrerait chez lui dans sa rude demeure remplie de lassitude, il trouverait une excuse bidon à sa femme comme du genre qu'il y a un gars qu'il a agressé et voler leur fils mais que ce n'était pas grave il lui en ferait un autre car de toute façon c'est ce que Francis voulait, un autre môme et oublier celui la qui n'était qu'un raté. C'est sur, au début sa femme lui aurait foutu des trompes, mais que par le temps elle finirait par accepter sa disparition et finirait par lui en faire un autre. Et que là tous les voeux d'un père envers son fils se réaliseraient.

    Francis, il avait tout prévu pour son fils. Il avait prévu une bonne école où il serait toujours en haut du classement, il aurait un diplôme et des années d'études pour faire bien sur le papier et il aurait été la fierté de la famille. Puis après il serait devenu soit médecin, soit facteur, soit avocat mais malheureusement ça ne sera jamais le cas. Il sait à peine écrire son nom et il est aussi bon que Jean Claude Vandamme en maths. Comment peut il avoir un diplôme avec ça ? Franchement il ne lui reste plus que l'armée pour apprendre quelque chose de la vie. Et puis s'il va à la guerre il sera tué pour la bonne cause et là Francis n'aurait aucun scrupule envers la mort de son fils car la mort ça fait partis de la vie. On naît puis on meurt c'est comme ça. C'est le cercle vicieux de la vie.
   
    Francis s'en souvient lorsque lui et sa femme sont allés à l'hôpital pour rencontrer un médecin car ils trouvaient le comportement de leur fils un peu bizarre. Il ne parlait pas, il ne se plaignait jamais. Non, il a toujours sourit, parfois même que Francis se mettait à lui gueuler dessus en lui disant mais tu vas arrêter de sourire comme un crétin bon sang, mais ça ne servait à rien car son fils continuait à le regarder en souriant bêtement. Alors Francis et sa femme ont écouté le médecin et ils ont compris que ce jour là leur fils serait handicapé à vie et tout s'était effondré autour de Francis. Il pouvait dire adieu aux matchs de foot entre hommes, il n'y aurait pas de fête pour fêter ses diplômes. Non il n'y aura rien de tout ça car leur fils est condamné à être handicapé à vie.
   
    Handincap, un mot que Francis déteste tant. Oui, c'est plutôt ça, la haine qu'il a Francis, c'est plus envers ce mot car en plus ce n'est pas un mot français mais un mot anglais et qui veut dire la main dans le chapeau. Si on devait prendre la même définition pour son fils on ne dirait pas la main dans le chapeau mais la main dans la tête et c'est sur qu'avec des mains comme ça on ne peut pas faire grand chose.

    En fait Francis, il aime son fils que sur les photos de famille car sur les photos ça ne se voit pas qu'il sourit bêtement tout le temps puisqu'il faut toujours sourire devant l'objectif puis surtout son handicape ne se voit pas. Et finalement quand Francis y pense,  il se dit c'est beau quand même un enfant innocent de la vie.

* Jeu de mot  avec le terme handincap qui vient de la langue anglaise
et qui veut dire La Main Dans Le Chapeau.