Forum Grand Corps Malade et slam

Déréliction.

C'est étrange comme ces rues, ne me reconnaissent plus.
Je les ai arpentées ,  en toutes coordonnées.
J'y ai fait des rencontres,  laissé mon coeur tout contre.
Et des séparations,  des briques de ma raison.

Mais aujourd'hui voilà,  les gens ont les yeux bas.
Sous une chappe de plomb, comme sans horizon.
Que s'est-il donc passé qu'ils soient ainsi courbés ?

Les regards sont de biais,  les façons sont epiées.
Captés par leurs écrans, il n'y a plus rien de grand.
Constamment connectés,  si  dessocialisés.

La méfiance s'est ancrée , comme du lierre, accrochée.
La terreur a sonné, ne s'est plus éclipsée.
La misère, habituée,  s'est mise à jardiner.

De chacun de ces maux, elle a fait un terreau.
Plantés dans ce bourbier,  ils ont dû composer.
Faire un jardin des haines,  en cultiver des plaines.

Car l'autre est devenu, suspect individu.
Un voisin trop bruyant, des habits différents,
Autres couleurs de peaux, et autres idéaux.

Des gens venus d'ailleurs ! Ils l'ont dit au vingt heures.
Venus tout nous spolier pour mieux nous remplacer!
Ignorant même Jésus ! Priant un inconnu...

Ils fuient leur misère et viennent piller nos terres !
Infiltrés d'intégristes, disent certains journalistes.
Cette fois ci c'est non, il nous faut faire front.

Des villes et des régions, contre toute raison,
On choisit d'écouter des discours plus aisés.
Rendant plus accessibles des idées si risibles.

Prônant la peur de l'autre, et se faisant l'apôtre
De la dénonciation,  la stigmatisation.
Ils ont montré du doigt,  fait preuve de peu de foi.

Oubliant tant d'efforts, pour leur petit confort
Vendant leurs âmes au diable,  au profit du rentable.
Fermant leurs portes à clé, pour leur  sécurité.

Ils ont dû oublier, mettre un cache, occulter,
Que la grandeur ici,  c'est parce qu'on multiplie
Les échanges et les vies,  les savoirs,  les avis.

Ils ont mis au grenier tout ce qui les faisait.
Ils ont tout massacré, ce pour quoi je vivais,
Se sont ouvert les veines,  ils ont voté FN.

F.  Robin