Vous n'êtes pas identifié.
Nous n’étions encore que des gosses,
À peine la dizaine passée.
Mais je sens encore la brûlure dans ma chair.
J’entends encore les balles qui sifflent.
Et mes frères qui tombent au sol.
La foule qui fuit dans la panique.
Ils étaient tous venus là en paix,
D’une marche joyeuse et enjouée.
J’entends le rythme des pas,
Le chant martelé sur le sol à chaque pas .
Tous avançaient vers l’avenir
Comme une danse en devenir.
La douleur fut telle que je la refusais.
Dans mes jeux d’enfant, je partis me cacher.
Mais tandis que je tentais d’oublier,
Mes frères sous le joug succombaient.
Nulle échappatoire, vers où fuir
Comme un rêve de paix qui devait finir.
J’ai dès lors parcouru les vals de miel
De ce pays au contact du ciel
Porté par les rythmes et les chants
De peuples au coeur grand.
J’ai empli mon âme de leurs espoirs.
Tout en restant caché dans le noir.
Que de joies et d’amours partagés
Dans ce pays aux collines rêvées
Et partout dans toute cette misère
Un rêve de paix qui veille comme une mère.
Malgré le joug, malgré la répression
Ils m’ont offert une passion.
Et j’ai vu alors mes frères se lever.
J’ai vu leurs bourreaux trembler.
J’ai vu un homme, lever ces mains au ciel.
Et en quelques mots, créer la nation arc-en-ciel,
Porter la fraternité vers les plus hautes cimes.
J’ai enfin foulé le pays aux mille collines.
A+JYT
PS: En 1976, j'avais 12 et pour la première fois je découvrais l'Afrique du Sud au travers d'un fait qui me changea et changea le monde.
Des enfants de Soweto ont marché vers un poste de police pour protester. Ils étaient venus demander de pouvoir vivre en paix. Ils furent rejoints par le township. Tous avançaient joyeux dans une danse aux rythmes qui ne m'ont plus quitté. Mais une fois arrivé une jeune policier pris peur et tira. La fusillade massacra la foule.
Je sens toujours cette douleur, cette horreur. Comment des hommes pouvaient-ils infliger ça à d'autres ?
Je n'ai pas su affronter cet événement, je n'ai pas su soutenir mes frères. Mais j'ai gardé en moi leurs amours, leur joie, leur rêve, leur musique. Et ce n'est que plus tard lorsque l'histoire que je vivais de loin devint l'histoire avec un grand H que j'ai pleinement accepté ce que je ressentais pour ce pays.
Je pense que parmi vous se souviennent de la chute du mur de Berlin. Nous savions tous alors que nous vivions une page de l'Histoire. C’est ce sentiment-là qui m'anima lorsque Madiba prononça son discours. Beaucoup se demandaient ce qu'il allait faire de cette liberté. Mais nous savions, je savais, qu'il n'y avait pas de question à se poser sur l'avenir. Et pourtant je prends une douche à chaque foi que j'évoque cette naissance de la nation arc-en-ciel.
Dernière modification par sekaijin (11-12-2014 17:22:46)
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c'est un beau texte , puissant par son évocation,.
un pays aux mille collines, c'est joli comme nom
bravo
Dernière modification par nouga (03-03-2016 10:29:15)
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Très beau texte. Et merci pour ton explication touchante .
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"Et j’ai vu alors mes frères se lever.
J’ai vu leurs bourreaux trembler.
J’ai vu un homme, lever ses mains au ciel.
Et en quelques mots, créer la nation arc-en-ciel,
Porter la fraternité vers les plus hautes cimes.
J’ai enfin foulé le pays aux mille collines."
est pour moi la partie la plus forte, la plus émouvante.
Les explications qui suivent me touchent davantage. Je retiendrai en particulier: " pourtant je prends une douche à chaque foi que j'évoque cette naissance de la nation arc-en-ciel." Quoi de plus beau que ce terme de "nation arc-en-ciel" pour eux, pour nous?
Dernière modification par MAYA59 (07-12-2014 10:48:44)
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Merci.
La notion de nation arc-en-ciel est née dans la tête de Madiba alors qu'il était en prison à Robben Island.
Contrairement à ces codétenu il s'intéresse à ses gardiens. c'est à ce moment là qu'il apprends leur langue chose que les peuples noir refusent.
il n'y ont d'abord pas accès, seul l'anglais leur est autorisé, l'afrikaans étant réservé aux blanc. Mais les noirs considèrent l'afrikaans comme la langue de l'ennemi. une lois alors que Madiba est en prison institue l'obligation que l'enseignement soit fait en afrikaans ce qui entraina une vague de protestation et l'une des plus sanglante répression.
Nelson sais déjà depuis très longtemps que la majorité des blancs avec qui il est en contact sont gouverné par la peur de voir le peuple noir se retourner contre eux et de les expulser voire les massacrer.
c'est conscient de cela qui prononce son discours lors de son procès.
madiba a écrit:
Toute ma vie je me suis consacré à la lutte pour le peuple africain. J'ai combattu contre la domination blanche et j'ai combattu contre la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et agir. Mais, si besoin est, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir
En étudiant l'afrikaan Madiba sympathise avec son gardien qui restera un ami.
Il se lance dans cette étude car il pense qu'on en peu combattre efficacement que si on connais son ennemi. Il comprends alors que contrairement à ce qu'il a connu dans les autres pays d'Afrique les blanc d'Afrique du sud n'ont plus d'attache en Europe. il n'ont aucune possibilité de retour. Il va dès ce moment là s'efforcer de faire converger les opposants vers cette idée. que le seul avenir possible est celui d'une nation multi ethnique. C'est ainsi que naitra le terme de nation arc-en-ciel qui sera le principal enseignement dispensé à la Nelson University de Robben Island.
Cette idée c'est donc répandu dans la population noire et fut globalement accepté bien qu'elle rencontra des oppositions parfois violentes. Parmi les blancs, le blocus imposé par la communauté internationale provoqua un choc. beaucoup découvraient ce qu'étaient réellement l'apartheid. Le pays était au bord du gouffre économique. et ce qui voyageaient en avaient mare d'être montré du doigt voire agressé lors de leur voyage à l'étranger. C'est cette fissure dans le ressentiment de la population blanche qui ouvrira la porte. Le partit nationaliste avait grandement caché la situation au blanc pour conserver le pouvoir. mais le coût d'une armé formé sur la base d'une population de 4 000 000 de personnes pour maintenir une opposition de 15 000 000 (1960) n'est pas sans poser des difficultés. et l'embargo n'a fait qu'isoler les nationalistes. Une grande partie de la population blanche resté silencieuse amena au pouvoir des modérés.
Autant Madiba était conscient de tout ces enjeux et leurs implications. autant je pense que beaucoup de blancs ont agit ainsi par épuisement, par rejet de la situation sans réellement comprendre ce que cela impliquait. Je me souviens que beaucoup de gens attendait avec peur même en Europe le premier discours d'homme libre de Madiba. Ceux qui comme moi s'intéressaient de plus près à l'homme savaient quelle était la voie qu'il avait choisis depuis longtemps. Mais lorsque j'ai entendus son discours j'ai su immédiatement que nous vivions un de ces instants qui cristallisent l'histoire. La Joie du peuple noir était évidente. Mais Je crois pouvoir dire qu'on a sentis un grand ouf de soulagement du peuple blanc. J'imagine assez bien l'afrikaans moyen vivant dans sa petite banlieue tranquille qui après avoir voté pour les modérés apprends que celui qu'on a toujours présenté comme l'ennemi de la nation est libéré et qu'il y a de forte chance qu'il prenne le pouvoir. J'imagine bien comment beaucoup tout d'un coup ne le connaissant pas il ont pu comprendre qu'ils avaient donné le pouvoir à celui qu'on présentait comme le diable en personne. Et je crois qu'on peut les remercier car ce sont eux qui ont changé le monde en douceur, en prenant une décision périlleuse.
A+JYT
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Merci ce beau texte et pour la mémoire de ce moment-là . il est passé ou passera ces jours ci (je n'ai pas entendu la date) un doc édifiant sur les jeunes sud africains blancs qui sont envoyés dans leurs familles dans des camps de lavages de cerveau pour leur faire croire que tout est la faute des noirs....
hélas, la haine est tenace...
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On passe parfois de bonnes choses à la télévision dont un film où j'ai pu entendre ce dont tu parles là . Un moyen de transmettre au plus grand nombre. Ce qui peut donner envie d'en savoir plus et redonner courage aux plus pessimistes.
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nul echapatoire vers où fuire, comme.un reve de paix qui devait finir...mon amie les Hommes qui s'en vont.sont des Hommes accomplis...merci de nous le partagé cette douleur repetitive peint par l'arc-en-ciel sur le pays des milles colignes...777
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Bonsoir à tous.
Je remonte ce post aujourd'hui car dans quelques jours ce sera l'anniversaire de l'élection qui fit basculé l'Afrique du Sud dans la démocratie (17 mars).
Mais sur tout parce que le 16 juin ce sera l'anniversaire de ce qu'on a appelé pudiquement les événements de Soweto.
Nous commémorerons donc la mort de Hector Pieterson.
Et si cette date est porteuse de tragédie elle est aussi le moment où l'histoire a basculé.
Et l'Afrique en a fait une date majeure en célébrant ce jour là "le jour de l'enfant africain"
et en Afrique du Sud "la Journée de la jeunesse".
Je vous invite donc pour ce 40eme anniversaire à faire connaitre cet événement.
A+JYT
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comme le temps passe vite
40 ans déjÃ
bon anniversaire a ce pays
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Je connais un jeune voisin qui est allé faire 6 mois de stage là bas pour ses études, et s'y est trouvé si bien qu'il a pu obtenir 6 mois de plus.
Il dit qu'il se sent bien, mais il a 21 ans, et il est dans un milieu blanc et bourgeois. Je ne sais pas s'il a conscience de tout ça
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L'anniversaire de cette élection devrait être montré en exemple tant il est porteur d'espoir. On devrait aussi mettre sous les projecteurs leur "journée de la jeunesse" pour arrêter de se voiler la face, voire de banaliser ce que vivent aujourd'hui trop d'enfants innocents.
Dernière modification par Maya (03-03-2016 11:07:58)
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merci sekajin
nicole, oui, c'est sans doute plus facile pour lui d'être de ce côté là ...
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Oui cette élection devrait être un exemple.
c'est une histoire complexe dans laquelle la musique a jouer un grand rôle.
le 16 juin 1976 c'est la répression de Soweto.
l'ONU et les pays occidentaux qui jusque là avaient protesté mollement contre l'apartheid instaure un embargo.
Si économiquement et politiquement les échanges sont rompus, il ne se passe pas grand chose. le régime cache toujours la situation à la minorité blanche, continue de réprimer les noirs.
Mais les sud africains continue de voyager à l'étranger comme n'importe qui.
la communauté noire prends elle aussi des résolutions
refus de la culture de l'éducation des blanc boycott de la musique des l'occident.
Mais il ne se passe pas grand chose. l'économie du pays dépéri petit à petit. ce qui donne lieu à des trafics (de diamants par exemple)
arrive un événement musical. Paul Simon découvre Ladysmith Black Mambazo (group sud africain) et désside de faire un album avec eux. il les invitent à New York et l'album Graceland sort en septembre 1986.
c'est un séisme politique qui bouscule tout. les noir accuse paul Simon de voler la musique des Noir. l'ANC accuse Ladysmith d'avoir enfreint le boycot. l'ONU les gouvernement accusent Paul Simon d'avoir enfreint l'embargo.
pour réponse Paul Simon avec Miriam Makéba (opposant au régime de la première heure exilée de l'Afrique du Sud pour fuir la ségrégation, mais aussi exile des usa pour les même raison) et quelques autres font une tourné mondiale, jusqu'au frontière de l'Afrique du Sud.
non seulement les gouvernement ne peuvent que reconnaitre que la situation n'est pas acceptable mais que l'embargo n'est que faiblement efficace. mais surtout le monde découvre la musique et la situation de l'apartheid.
la situation va se durcir au point que les Sud Africain se feront insulter dans les rue de New York ou de Londres.
Ce n'est pas l'album de Paul Simon qui changea la donne mais eu pour effet indirect de focaliser les médias et l'opinion internationale sur le sujet.
il faudra encore 6 ans où la situation économique s'effondrera.
Alors le 17 mars 1992 essayez d'imaginer une grande partie de la population blanche qui jusque là vivait sans ce soucier de leur environnement qui ne connaissait que très partiellement la situation réelle des noirs qui se faisait insulter à l'étranger, qui découvrait ce qu'était vraiment l'apartheid et qui devait choisir entre maintenir le pouvoir en place
ou choisir les modérés qui allaient libéré le monstre, l'ennemi de toujours, l'assassin qui ordonnait de sa prison les massacre de blancs (image que propageait de Mandela l'appareil auprès de la population).
ces gens là ont choisit de faire un plongeons dans un avenir totalement inconnu. et çà dénote d'un grand courage.
A+JYT
PS: Paul Simon par respect se tenait en retrait lorsque Ladysmith et Miriam Makéba chantait l'hymne africain. mais lors du concert du Zimbabwe en 1987 ils insistèrent pour qu'il le chante aussi.
Dernière modification par sekaijin (05-03-2016 20:24:50)
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Merci pour le texte et tout le reste
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C'est une lecture passionnante, merci Sekaijin!
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